Sommet de Johannesburg : Les Brics tiennent en haleine les sphères financières mondiales sur la question de la «dédollarisation»
En plus de son extension ou pas à d’autres pays ayant exprimé l’ambition d’y adhérer, qui alimente les débats sur la scène internationale ces derniers mois, le groupe des Brics (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud) aura à mettre sur la table des discussions lors de son 15ème sommet, qui s’ouvre demain mardi à Johannesburg, une autre question aussi stratégique que cruciale concernant l’adoption de nouveaux modes de règlement des échanges commerciaux permettant à ce groupe de pays de s’émanciper du dollar américain.
Dans leurs déclarations officielles successives, en effet, les chefs d’Etat des pays membres du groupe des BRICS qui milite pour un nouvel ordre économique mondial multipolaire, pour rompre avec la domination du billet vert qui perdure depuis la fin de la 2ème guerre mondiale, évoquent d’une manière récurrente soit l’utilisation de leurs monnaies nationales respectives dans leurs échanges bilatéraux, soit aller carrément vers la création d’une nouvelle monnaie d’échange propre au groupe, à l’image des pays de la zone euro qui ont marqué leur entrée dans le troisième millénaire par le lancement de leur propre monnaie au début des années 2000.
En attendant de voir la manière avec laquelle sera tranchée la question d’une éventuelle option pour le lancement d’une nouvelle monnaie propre au groupe, certains de ses membres sont d’ores et déjà passés à l’action dans l’utilisation de la monnaie locale dans des échanges internationaux.
L’Inde a ainsi procédé la semaine dernière à sa première opération d’importation avec sa propre monnaie, la roupie. La transaction a été conclue entre le groupe pétrolier Indian Oil Corp avec son fournisseur émirati Abu Dhabi National Oil Company auprès duquel il a acquis un million de barils de pétrole réglés en roupie, selon l’agence Reuters.
De son côté, le président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, dont le pays est membre des Brics, déclarait en avril dernier : « Chaque nuit, je me demande pourquoi tous les pays seraient obligés de réaliser leurs échanges en se basant sur le dollar ? ». Un mois plus tard, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, annoncera au mois de mai que «la dédollarisation a commencé».
En tout cas, compte tenu de son poids sur l’échiquier économique mondial, avec 40% de la population de la planète, près de 25% du PIB et près de 20% des échanges commerciaux au monde, le groupe des Brics a assurément entre les mains des arguments avec quoi il bousculera la doctrine monétaire et financière mondiale en allant vers l’adoption de moyens de paiement alternatif au dollar américain.
La banque des Brics finance le développement sans exiger des réformes structurelles
Pour Dr Souhila Berrahou, économiste et chercheuse en relations internationales à l’Ecole nationale des sciences politiques d’Alger, loin d’être bénéfique aux seuls pays membres des Brics, la mise en place d’une monnaie alternative au dollar permettra de réparer les inégalités sur le marché financier international.
«Soigner les inégalités dans les pays revient à trouver une solution à la valeur de la monnaie. Tant que les échanges se feront en dollars entre les pays pauvres et les pays riches, le niveau des inégalités et de pauvreté ne sera jamais réduit», déclarait-elle hier dimanche à l’agence de presse Sputnik.
Au-delà de l’aspect purement monétaire, l’autre atout avec les Brics, pour Dr Berrahou, est la banque lancée par ce groupe en 2014, la NBD (Nouvelle Banque de développement) en l’occurrence, qui, estime-t-elle, avec son capital de 100 milliards de dollars, elle a pour but le financement de projets de développement et d’investissement, que ce soit dans les pays membres du groupe ou d’autres pays demandeurs, d’autant plus qu’à la différence du FMI, cette institution bancaire octroie des financements sans exigence de réformes structurelles.
«On a vu beaucoup d’exemples de pays ayant bénéficié d’emprunts de cette banque (NBD) qui ont pu réaliser des projets d’investissement et des infrastructures, dévastés par les crises économiques auparavant. Prenons l’exemple de l’Ethiopie qui est un pays qui a changé d’un extrême à un autre. Alors qu’il criait famine, maintenant, c’est un pays manufacturier, un pays qui réalise une croissance de 9% par an, ce que je qualifie aussi de miracle pour un pays qui agonisait sur tous les plans il y a quelques années», a-t-elle soutenu.
M. Naïli
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