Salim Telidji : «La valeur des réserves de change placées en euro connaîtra une baisse»

Dans le présent entretien, Salim Telidji, directeur des Méthodes CNED au Ministère des Finances, appelle à la vigilance et à la réactivité suite à la baisse de la valeur de l’euro. Une baisse avantageuse pour l’économie algérienne dans la mesure où les exportations sont libellées en dollar et 50% des importations en euros. Cet avantage risque d’être englouti par la hausse de l’inflation dans la zone euro.

En ce qui concerne l’augmentation des prix du gaz à l’international, Salim Telidji soutient que les recettes supplémentaires engendrées vont permettre à Sonatrach d’investir plus dans l’augmentation de ses capacités de production de gaz et par conséquent, sécuriser les approvisionnements de ses clients.

Quel est l’impact de la parité euro-dollar sur l’Algérie ?

Salim Telidji : La monnaie européenne a connu une baisse de 10% par rapport au dollar américain depuis le début de l’année. Cette baisse est due à la divergence de politique monétaire entre les USA et l’UE, avec une hausse des taux d’intérêts directeurs de la Fedral Reserve plus rapide. Ceci a provoqué une fuite des flux financiers de placements en euro vers des placements en dollar US, entraînant une baisse de l’euro. Les conditions économiques et géopolitiques en Europe, notamment avec les répercussions du conflit en Ukraine, sont venues aggraver les incertitudes autour de la valeur de l’euro.

Cette baisse est-elle, Mr Salim Telidji, avantageuse pour l’économie algérienne?

Cette baisse de l’euro par rapport au dollar US est avantageuse pour l’économie algérienne dans la mesure où les recettes des exportations sont libellées en dollar et 50% des importations sont en euro. La valeur des importations en euro se trouve ainsi mécaniquement en baisse une fois réglées en dollar US. Mais cet avantage risque d’être englouti par la hausse de l’inflation dans la zone euro qui connaît une hausse sans précèdent, avec un taux de 8,6% en juin 2022.

L’autre impact sur l’Algérie de cette baisse de l’euro, cette fois négatif, est sur les réserves de change placées en monnaie européenne (euro) et dont la valeur connaîtra une baisse. Ce qui appelle à la vigilance et à la réactivité de la part de la Banque d’Algérie

Les deux chambres du parlement viennent d’adopter le nouveau code de l’investissement. Les textes d’application sont annoncés pour les jours à venir. Selon vous Mr Salim Telidji, peut-on espérer une reprise réelle de l’investissement national aussi bien qu’étranger dans notre pays ?

Effectivement, la promulgation prochaine de la nouvelle loi relative à l’investissement, ainsi que des textes d’application y afférent, constitue un signal positif envers les investisseurs quant à la volonté politique forte des pouvoirs publics de relancer l’investissement productif dans le pays.

La nouvelle loi relative à l’investissement apporte des améliorations significatives, notamment à travers la limitation du rôle du CNI à la seule mission de proposer la stratégie de l’Etat en matière d’investissement, le renforcement et la clarification des missions de l’ANDI, ainsi que la création des guichets uniques.  Cette loi vise aussi à garantir la pérennité du cadre législatif pour une durée minimale de 10 ans, ce qui constitue une avancée appréciable pour les investisseurs en quête de stabilité juridique.

Néanmoins, il est à signaler que la reprise réelle des investissements est tributaire, d’une part, de l’application effective des dispositions de la nouvelle loi sur le terrain, et d’autre part, de l’amélioration du climat des affaires en général à travers la levée des entraves bureaucratiques, l’accès au foncier industriel et la modernisation du système bancaire.            

Sonatrach est en train de négocier avec ses partenaires une révision à la hausse des prix du gaz. Qu’en pense Salim Telidji ?

Les contrats d’approvisionnement de gaz à long terme avec des pays producteurs assurent aux fournisseurs un approvisionnement en gaz naturel, tout au long de l’année, à un prix défini dans le contrat. Ils sont conclus pour des durées pouvant atteindre jusqu’à 30 ans.

Les contrats de long terme assurent une certaine sécurité d’approvisionnement en gaz naturel. Ils garantissent aux consommateurs un approvisionnement en gaz naturel continu et à des prix compétitifs

La renégociation des prix est une opération tout à fait normale tel que prévue dans les contrats. En effet, les clauses contractuelles prévoient la révision des prix du gaz de manière périodique. La Sonatrach ne fait qu’activer ces clauses pour adapter le prix du gaz aux nouvelles conditions du marché. Il est à rappeler que ces mêmes clauses ont été utilisées par les clients de la Sonatrach pour demander des baisses de prix lors de la phase de cours bas du gaz.

Les recettes supplémentaires vont permettre à la Sonatrach d’investir plus dans l’augmentation de ses capacités de production de gaz, ce qui va sécuriser les approvisionnements de ses clients.

Entretien réalisé par Karima Mokrani  

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