Mohamed Benarbia, Dg Salama Assurances : “Nous avons des difficultés à placer nos fonds”

Rencontré au forum de la finance islamique, organisé le 9 novembre 2022 à Alger, le premier responsable de Salama Assurances, leader de l’assurance takaful en Algérie, pose le problème de placement des fonds «énormes» de la compagnie.

Il affirme qu’avec Salam Bank et Baraka Banque, il est chaque fois interpellé par le régulateur sur le fait qu’il approche les seuils et qu’il ne peut en placer davantage. Les représentants des deux banques publiques CPA et BNA, ayant pris part à cette rencontre, l’ont assuré de la disponibilité des deux banques à recevoir l’argent pour leurs fenêtres islamiques. Un partenariat gagnant-gagnant qui répond de la meilleure manière qui soit au problème d’étanchéité.

Le décret fixant les conditions et modalités d’exercice de l’assurance takaful a été publié en février 2021. Où en est Salama Assurances dans son adaptation à la nouvelle législation ?

Salama Assurances, en tant qu’assureur takaful, existait sous  l’ancienne loi et restera dans le cadre de la nouvelle loi. Le décret exécutif 21-81 du 28 février 2021 relatif à l’assurance takaful impose des modifications dans les statuts de la société, son organisation, ainsi que des produits. C’est une obligation pour Salama Assurances si elle veut se maintenir en tant qu’assureur exclusivement takaful. Bien évidemment, c’est notre démarche.

Votre communication  porte sur les différents axes qui ont conduit votre action pour la transformation de la société. Quels sont ces axes ?

Il est simple d’imaginer que le premier axe est celui d’ordre juridique. Nous devons modifier nos statuts. Bien évidemment, nous avons commencé le travail. Il y a quelques contraintes mais le processus est en cours. Deuxième axe, ce sont les modifications d’ordre technique. Les contrats d’assurance doivent comporter certaines dispositions réglementaires et des modifications d’ordre comptable. Il faut savoir que les opérations takaful ont une spécificité particulière qui doit se traduire par des constatations comptables adaptées. La notion de séparation des fonds des participants du fonds des actionnaires, l’enregistrement des opérations wakala, moudaraba, l’enregistrement des opérations relatives à l’excédent technique et autres. 

Tout cela induit des opérations comptables adaptées. Comme vous le savez, en Algérie, il y a un cadre réglementaire comptable, stipulé par l’avis numéro 89 du Conseil national de  la comptabilité. Il arrête les règles de constatation comptables. Sa publication remonte à plusieurs années. Autrement dit, il ne prend pas le volet takaful dans ces opérations. Donc, nous, en tant que leader, nous allons nous adapter en nous inspirant des normes de l’Organisation internationale de la comptabilité des institutions financières islamiques et de notre propre expérience. Nous allons proposer des solutions en attendant que le régulateur mette en place quelque chose parce que ce n’est pas encore fait.

Comment appréciez-vous l’écosystème actuel ? Est-il favorable au développement de la finance islamique ?

Il est largement meilleur que celui d’il y a quelque temps. Nous, en tant qu’assureur takaful, nous considérons qu’il y a une nette amélioration. Lorsque vous avez des dispositions réglementaires qui fixent les règles du jeu, il est clair que c’est mieux que lorsqu’il n’y a rien. Pour les cas où la loi ne définit pas les règles, c’est à nous de prendre des initiatives, tout en restant dans le cadre règlementaire.

Vous avez posé un problème de placement des fonds de Salama Assurance dans les banques. De quoi s’agit-il exactement ?

Vous avez certainement entendu parler de la notion d’étanchéité. Lorsque vous avez des sociétés takaful ou des banques ou des fenêtres islamiques, le capital de la société ou de la fenêtre ne doit en aucun cas être mélangé à celui de la société-mère. Prenons l’exemple du CPA. En tant que société, elle a son capital social. Elle doit dégager une enveloppe capitalistique qu’elle va mettre à la disposition de sa fenêtre sans qu’elle ne soit mélangée à son capital. Et ce capital mis à la disposition de sa fenêtre ne doit pas entrer dans le CPA classique. La fenêtre va utiliser l’argent.

Je dis que ces banques, à l’exemple du CPA, ont des problèmes de capitaux pour démarrer. Elles ont des problèmes d’étanchéité. De notre côté, nous avons un problème de placement de nos fonds. Jusqu’à présent, nous les plaçons dans les banques Salam Bank et Baraka Banque mais chaque fois nous sommes interpellés par le régulateur sur le fait que nous sommes trop proches des seuils fixés par la loi.

Je propose donc aux autres banques de nous permettre de placer les ressources de Salama Assurances qui est une compagnie qui existe depuis plusieurs années. Elle a des fonds énormes à placer. Je leur propose la formule suivante : nous plaçons chez eux des fonds charia complaint pour qu’ils soient utilisés par la fenêtre ou par la banque. En contrepartie, nous devons tirer profit de ce partenariat. Les investissements financiers et tout ce qui est assurance dans ce cadre-là doivent être assurés auprès de Salama. C’est un partenariat gagnant-gagnant.

A part Salama Bank et Baraka Banque, est-ce que vous avez conclu des partenariats avec d’autres banques ?

Nous sommes en négociation avec la Trust. Nous avons montré notre bonne intention à placer. Malheureusement, nous n’avons rien vu venir. Nous étions obligés de surseoir à la convention. Actuellement, nous en discutions avec KGB et ABC. Aujourd’hui, comme vous l’avez constaté, les deux banques CPA et BNA ont dit oui à notre offre de placement.

Entretien réalisé par Karima Mokrani

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