Avec un potentiel de 1,5 milliard m3/an : le recyclage des eaux usées comme alternative pour atténuer l’exploitation des ressources souterraines

Dans un contexte marqué par une diminution des réserves en eaux de surface, en raison de la baisse des précipitations ces dernières années et pour atténuer le recours aux réserves souterraines, considérées comme «stratégiques», tel que vient de le déclarer le président de la République lors de la réunion du Conseil des ministres de dimanche 2 juillet 2023, le cap est désormais mis sur la généralisation du recours aux eaux recyclées issues des stations d’épuration.

Ainsi, au moment où le chef de l’Etat a fixé l’objectif de 40% des eaux issues du recyclage à utiliser dans l’agriculture et l’industrie, le secteur des ressources en eau se dirige donc vers l’instauration d’un nouveau mode de gestion et d’exploitation des ressources hydriques plus rationnel, privilégiant notamment le recours aux ressources non conventionnelles et diminuer la pression sur les réserves disponibles.

Cette nouvelle orientation est en tout cas une alternative plus que nécessaire dans le contexte actuel. Cependant, compte tenu de l’importance des potentialités à travers les différentes wilayas du pays en matière d’exploitation des eaux issues du processus de recyclage, le renforcement du réseau de stations d’épuration dans les différentes régions du pays s’impose pour renforcer les disponibilités en eaux économiques (agricole et industrielle).

Ce potentiel, selon le professeur Brahim Mouhouche de l’ENSA d’El Harrach (Ecole nationale supérieure d’agronomie), atteint un volume de 1,5 milliard m3 d’eaux usées qui peuvent être récupérées et recyclées annuellement.

«Il faut capter toutes les ressources hydriques existantes», suggérait-il récemment, mettant en garde que les ressources conventionnelles ont atteint la limite de leur utilisation. C’est donc pour pallier le déficit en la matière que Brahim Mouhouche plaide sans cesse en faveur d’une «utilisation plus efficiente des eaux usées», dont le pays jouit d’ailleurs d’«un potentiel énorme».

Toutefois, pour optimiser l’utilisation des eaux recyclées beaucoup reste à faire lorsque l’on sait qu’actuellement, la proportion des eaux récupérées et recyclées à travers le réseau des stations d’épuration n’atteint même pas 10% du potentiel existant. En dépit de leur importance, dans l’état actuel des choses, «le recyclage des eaux usées ainsi que celles de drainage n’est exploité qu’à hauteur de 5 à 10% du potentiel existant», regrette le professeur Mouhouch estimant que ce taux est insignifiant.

Le nombre d’autorisations de forage passe de 6.000 à 26.000 entre 2020 et 2022

C’est d’ailleurs pour une meilleure valorisation de ces ressources, peu exploitées jusque-là, et afin d’asseoir une nouvelle stratégie en la matière, que le président de la République a ordonné l’élaboration d’un plan bien défini et ficelé, qui tienne compte du nombre d’indicateurs et comprenant notamment l’identification précise du volume récupéré suivant le procédé d’épuration, des besoins nationaux et le recensement technique de toutes les stations d’épuration.

Ainsi, l’élargissement de l’installation de stations d’épuration à l’ensemble des wilayas du pays, notamment celles à vocation agricole ou industrielle, est une mesure judicieuse pour atténuer le recours aux eaux souterraines, dont l’utilisation a fortement augmenté ces deux dernières années, notamment pour l’agriculture, en raison de la baisse sensibles des précipitations.

En effet, le nombre d’autorisations délivrées pour la réalisation de nouveaux forages ne cesse d’augmenter, avec plus de 26.000 autorisations octroyées en 2022, contre 13.000 en 2021 et 6.000 en 2020, a indiqué en avril dernier le ministre de l’Hydraulique à l’APN.

A la faveur des mesures prises ces dernières années, facilitant l’accès aux nappes souterraines, avec l’accélération des démarches de délivrance d’autorisations pour la réalisation de nouveaux forages, le ministère de l’Hydraulique a fait savoir aussi que les eaux souterraines exploitées à hauteur de 35 à 40%, il y a cinq ans, représentent aujourd’hui un taux d’exploitation de 60%.

C’est donc pour limiter le recours à ces réserves sûres et «stratégiques», comme vient de le souligner le chef de l’Etat, qu’il est opté désormais pour la mobilisation de ressources non conventionnelles, comme les eaux usées à recycler.

Mohamed Naïli

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