Le Tchad fait sa révolution et nous rappelle une leçon sur le pétrole

Le nombre d’appareils de forage au Tchad est étonnamment élevé depuis un an maintenant, dans un pays qui ne produit qu’environ 100 000 b / j.

Avec sept appareils déployés sur son territoire depuis septembre 2018, d’après le compte de Baker Hughes GE, le Tchad compte plus d’appareils de forage que la plupart des provinces pétrolières africaines.

C’est plus que l’Angola, deuxième producteur de pétrole de l’Afrique subsaharienne. C’est aussi plus que le Congo, troisième producteur de l’Afrique subsaharienne. La liste continue : c’est plus que le Gabon, le Cameroun ou même la Guinée équatoriale.

La raison : le Chad est en train de forer.

Dans ses efforts pour développer l’exploration et stimuler la production nationale, le pays enclavé du centre-nord de l’Afrique prouve que se concentrer sur les bases est la recette du succès. Les efforts de forage se sont traduits par une augmentation de la production et des revenus pétroliers, en dépit de plusieurs revers au sein de son industrie.

La reprise de l’économie et du secteur pétrolier au Tchad après la récente chute des prix du pétrole n’a en effet pas été des plus faciles.

Le Tchad possède les dixièmes plus grandes réserves de pétrole de l’Afrique, mais sa production tendait à diminuer ces dernières années en raison de la maturation de ses champs et des perturbations causées par le conflit avec Boko Haram dans le sud-ouest.

La baisse des prix du baril n’avait qu’ajouté une complexité supplémentaire à une situation déjà très complexe et mis en péril l’économie. Les espoirs suscités par la renégociation de la dette du pays avec Glencore et le rebond des prix du pétrole ont été de courte durée. En 2019, ExxonMobil, qui produit un quart du pétrole du pays, et Glencore, qui représente environ 9% de la production du Tchad, ont annoncé leur intention de vendre leurs actifs dans le pays.

Mais alors que deux de ses plus gros opérateurs préparaient leur sortie, le Tchad en accueillait de nouveaux et ne perdait pas de vue ce que l’ancien ministre Me Béchir Madit avait appelé un “deuxième âge d’or du pétrole entre fin 2019 et 2025”.

Face à la croissance de son secteur, le Tchad a lancé la construction de la mini raffinerie Rig-Rig en 2017 afin de remédier à la pénurie de produits pétroliers dans le pays, accordé plusieurs nouveaux champs à la CNPCIC dans le bassin de Bongor, accueilli le nouvel opérateur United Hydrocarbons et renégocié sa dette avec le géant du commerce des produits de base Glencore en 2018.

Lorsque les prix du pétrole ont commencé à rebondir, de bonnes nouvelles sont venues. La société taïwanaise Overseas Petroleum and Investment Corporation a achevé la plate-forme d’exploitation et le pipeline de raccordement au centre de Komé, tandis que Petrochad a développé ses puits Krim-Krim.

La Société des Hydrocarbures du Tchad (SHT), la compagnie pétrolière nationale du pays, a également progressé dans le développement de son champ de Sedigui en signant un contrat avec un consortium sino-britannique pour la construction d’un gazoduc, d’une installation de traitement du gaz et d’un terminal gazier à Djarmaya.

En deux mois seulement, entre juillet 2018 et septembre 2018, les appareils de forage déployés au Tchad sont passés de seulement un à sept, selon Baker Hughes GE. C’est un bond considérable en si peu de temps, alors que la plupart de ses voisins étaient encore aux prises avec un syndrome de forage. Depuis un an, le Tchad a déployé plus d’appareils de forage sur son territoire que la plupart des autres marchés africains, révélant une activité de forage soutenue qui s’est traduite en nombre. À mesure que l’activité de forage reprenait, la production augmentait, de même que les revenus.

Selon les derniers rapports du ministère des Finances et du Budget, la production de pétrole et les recettes pétrolières du Tchad ont connu une augmentation considérable en 2019 jusqu’à présent.

Au premier trimestre, les recettes pétrolières ont augmenté de plus de 64% par rapport à la même période de l’année dernière, entraînées par une augmentation de la production de plus de 18%, en grande partie grâce à la CNPCIC et à un meilleur taux de change.

Le deuxième trimestre a confirmé la tendance. Au cours de cette période, les recettes pétrolières ont encore augmenté de 38,6% et la production de 23%, toujours grâce au CNPCIC.

Cette dernière, filiale de la China National Petroleum Corporation, a enregistré une croissance de sa production au Tchad de plus de 45% cette année.

Entre janvier 2019 et juin 2019, le Tchad a produit 22 791 749 barils. Cela représente une moyenne de 126 000 de b/j, un chiffre très sain et prometteur pour un État dont les revenus proviennent à 70% des exportations de pétrole.

L’amélioration de la situation au Tchad explique pourquoi l’acquisition de la participation de 40% d’ExxonMobil dans le bassin de Doba est devenue une source d’intenses enchères et de négociations. Cela explique également pourquoi les prévisions économiques du pays sont bonnes.

En 2019, le FMI prévoit que l’économie du Tchad progressera de 4,5%, soit bien au-dessus de la moyenne mondiale de 3,3%. Alors que de nombreux pays pétroliers africains luttent contre une lente reprise, le Tchad nous rappelle que le forage doit faire partie d’une stratégie énergétique efficace et productive.

Par Mickaël Vogel, Directeur de la Stratégie, Chambre africaine de l’énergie

Distribué par APO Group pour African Energy Chamber.

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