Le modèle allemand : Perspective générale

Typologie des innovations

La comparaison est désormais fragilisée entre les États-Unis et l’Allemagne sur le bilan des innovations.
Les observateurs n’hésitent plus à défendre le dynamisme allemand au chapitre des innovations de rupture, jadis le terreau américain.
La puissance de l’approche allemande réside néanmoins dans les disciplines propices à l’innovation incrémentale et dans l’amélioration continue.
Ainsi, 22% de la main-d’oeuvre allemande et 21% du PIB enjolivent le bilan manufacturier.
En comparaison, aux États-Unis, 11% de la main-d’oeuvre et 13% représentent le bilan.
Trois facteurs déterminants se conjuguent pour rendre compte de l’efficacité de la démarche incrémentale des grandes entreprises et des PME allemandes :
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  • L’innovation doit répondre à une exigence de productivité accrue (procédés) plutôt que de favoriser le développement technologique à risque élevé dans des secteurs émergents (rupture).
    En quelque sorte, faire mieux davantage que faire différemment.

    Les seuls exemples métaphoriques de BMW et Mercedes Benz dans l’industrie automobile illustrent favorablement la valorisation du rôle des PME innovantes comme sous-traitants dans des secteurs tels les TIC, le génie logiciel, les systèmes de sécurité ou d’éclairage.
    On croisera facilement un doctorant en génie logiciel dans les centres d’assemblage d’automobiles alors qu’aux États-Unis le même doctorant sera confiné à son écran chez Google, Apple, Facebook ou Amazon.

  • L’Allemagne soutient financièrement et logistiquement des institutions vouées à la R&D et à l’innovation destinées aux PME innovantes.
    Interactions soutenues, accompagnement et évaluation permanente sont les piliers de la logistique de ces associations.
    Les Instituts Frannhofer, par exemple, illustrent bien cette approche de «compagnonnage».
  • La formation continue et adaptée de la main d’oeuvre est une priorité fondamentale.
    Alignée à la recherche constante de l’avantage concurrentiel international, la formation doit rendre compte de sa capacité à mettre en oeuvre les innovations et à répondre aux paramètres sociaux de l’organisation en matière de satisfaction des salariés et de valorisation des tâches.
    En un mot, remplir son mandat social.

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Conclusion

En guise de conclusion, nous évoquerons quelques observations stratégiques :

L’architecture du système social et économique allemand découle d’une longue tradition de valorisation d’une culture de concertation et de stabilité sociale.

Ces facteurs, parmi d’autres, sont reconnus propices à l’éclosion d’attitudes créatives, innovantes et entrepreneuriales.
La famille comme nucleus et l’organisation comme famille élargie pourrait succinctement illustrées l’analogie et traduire le climat organisationnel prédicteur d’initiatives.
Le dispositif de concertation, sans cesse réévalué, est assujetti à la finalité commerciale et à la satisfaction des clientèles.
Les nécessités de préservation de l’environnement et de promotion du développement durable, valeurs inaliénables chez la population allemande, se retrouvent favorablement dans les stratégies manufacturières allemandes.

A surveiller parmi les risques inhérents à une approche d’efficacité continue:

Le rôle insuffisant des banques ou autres institutions financières comme pourvoyeurs de capital de risque.
Actuellement à trente pourcent, 30% en comparaison de 47% pour les prêts et 36% pour le financement public.
Le risque pourrait venir de la précarisation du système financier européen, des fluctuations dans la devise euro (l’Allemagne est un exportateur majeur), des coûts relatifs au loyer des prêts et du fléchissement des financements publics attribuables à des recettes fiscales en régression.

L’émergence actuelle de nouveaux champions, notamment chez les tigres asiatiques, constitue une menace réelle pour la solidité du modèle allemand, rappelons-le, qui repose sur sa capacité de commercialisation planétaire.
Au chapitre de la recherche scientifique, malgré les récentes initiatives porteuses, une stagnation est observable depuis une dizaine d’années.
Les effets pervers d’un exode des cerveaux sont aujourd’hui perceptibles et préoccupants.
Les défis majeurs résident dans le maintien et l’amélioration d’un système d’éducation à haute valeur ajoutée pour les entreprises et les centres de recherche. Également, dans l’intégration culturelle et professionnelle de talents internationaux.

Bibliographie sélective

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– Why Germany dominates the US in Innovation, Dan Breznitz, Harvard Business Review, mai 2014;
– Germany at a glance, EY Entrepreneurship Barometer,2013; – Science and Technology Based Regional Entrepreneurship: Global experience.., SA Miran, EE, 2011;
– L’innovation incrémentale, secret de l’industrie allemande, Philippe Silberzahn, Blogue, février 2011;
– Le discours entrepreneurial dans les journaux allemands, F. Welter, Erudit. org, 2008.
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[author image=”https://www.dzentreprise.net/wp-content/uploads/DZE32-Gilles_Cloutier.jpg” ]
Par le Pr Gilles Cloutier, consultant international et conseiller stratégique à l’Institut de management algéro-américain (IMAA)

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