La SAA, 2e assureur sur les risques agricoles

«L’agriculture est l’un des secteurs qui supporte les risques naturels les plus nombreux et les plus graves, et l’aléa climatique demeure le plus néfaste aux productions agricoles.» Fait remarquer, dans le présent entretien, Ziane Bouziane Mahfoud, conseiller auprès du PDG de la Société nationale d’assurances (SAA). Il évoque, pour nos lecteurs, les couvertures multirisques développées par la SAA et destinées aux filières stratégiques et «offrant une couverture étendue contre une large gamme de risques naturels, climatiques et même sanitaires». La SAA est le 2e assureur sur les risques agricoles, elle continue d’accroître d’année en année sa participation dans cette branche avec une part de marché avoisinant les 28%.

Quelles sont les multirisques exploitations agricoles que la SAA assure et quelles sont les garanties proposées ?

Depuis le lancement de la branche des assurances agricoles, la SAA n’a cessé, au fil des années, de développer ses couvertures et différents produits sont aujourd’hui mis à la disposition des agriculteurs permettant d’offrir des couvertures étendues et adaptées à leurs besoins.

Pour faire face aux aléas de toutes natures, la SAA offre une gamme de produits variée pour la couverture des risques climatiques et sanitaires, pour différentes productions végétales et animales, mais aussi l’assurance du patrimoine des firmes agricoles et la responsabilité civile de l’exploitant.

Pour la production végétale, en plus de l’assurance récoltes classique couvrant le risque grêle et incendies, des couvertures multirisques ont été développées, destinées aux filières stratégiques, et offrant une couverture étendue contre une large gamme de risques naturels, climatiques et même sanitaires, excepté pour les céréales pour lesquelles la couverture climatique est actuellement limitée au risque grêle.

Ce type de produit multirisques assure une protection contre de multiples périls qui sont explicitement énumérés dans les polices d’assurance commercialisées et selon la nature des cultures assurées. Il s’agit notamment de la grêle, les inondations, le gel, la tempête ou encore le sirocco, et couvre principalement les dommages directs causés aux récoltes.

Quelle est la part du marché de la SAA dans l’assurance agricole et que représente cette branche dans le portefeuille de la compagnie ? 

La part de l’assurance agricole dans les émissions dommages du marché des assurances reste faible et ne dépasse pas les 3%. Elle s’établit à 1,75 % en 2020 avec un chiffre d’affaires de 2,2 milliards DA.

La SAA est le 2e assureur sur les risques agricoles, elle continue d’accroître d’année en année sa participation dans cette branche avec une part de marché avoisinant les 28%. Ramené au chiffre d’affaires global de la SAA, la branche agricole ne représente que 2% du portefeuille global.

L’Algérie fait face à un stress hydrique sans précédent. La SAA prévoit-elle de lancer de nouveaux produits en lien avec les catastrophes naturelles non encore couverts par les compagnies d’assurance, dont la sécheresse ?

L’agriculture est l’un des secteurs qui supporte les risques naturels les plus nombreux et les plus graves, et l’aléa climatique demeure le plus néfaste aux productions agricoles.

Le déficit pluviométrique prolongé est, en effet, une source de stress hydrique. Il est sans doute le plus redoutable et le moins maîtrisable des risques climatiques auquel notre pays fait face aujourd’hui.

De plus, l’Algérie est située dans une aire géographique caractérisée par un climat semi-aride avec une pluviométrie, certes acceptable, mais très irrégulière. C’est justement cette irrégularité qui donne lieu à des épisodes de stress hydrique, notamment sur les zones dites à vocation céréalière.

Techniquement parlant, la sécheresse est un risque qui se prête difficilement à la modélisation actuarielle pour prétendre à sa couverture assurantielle pure. Ceci pour trois raisons : sa fréquence, l’étendue des dégâts sur les cultures et enfin l’absence de mesures de lutte ou de prévention.

Cela laisse les assureurs prudents quant à sa prise en charge, y compris dans les pays à vocation céréalière avec une pluviométrie abondante et régulière. De ce fait, les assureurs n’interviennent qu’à travers des dispositifs de type Catnat où la solidarité entre assurés joue un rôle important et où l’Etat intervient pour assurer la faisabilité du système, soit comme garant de son équilibre ou par la subvention des primes, de manière à rendre la couverture accessible aux agriculteurs.

Pareil, en Algérie, l’idéal serait de mettre en place un dispositif de couverture des calamités agricoles avec une politique volontariste de l’Etat en partenariat avec les acteurs du marché des assurances. Cela permettra non seulement de mettre à l’abri les agriculteurs mais peut aussi favoriser la commercialisation des autres risques techniquement assurables si la couverture sécheresse est offerte en inclusion obligatoire dans un contrat multirisque exploitant ou céréaliculteur.

Cette combinaison de risques basée sur les rendements et comprenant le risque sècheresse reste, à mon avis, la seule alternative pour la prise en charge de ce type d’aléa.

Une vaste expérience existe à travers le monde, et il serait intéressant de les étudier et tirer les enseignements avec une analyse des difficultés et contraintes de mise en œuvre des différents dispositifs expérimentés.

Le dispositif d’assurance des calamités agricoles remonte à 1998. Faut-il le revoir pour l’adapter au changement climatique de l’heure ?

La gestion des calamités agricoles est aujourd’hui l’une des priorités des pouvoirs publics qui tentent de trouver une solution pour couvrir ces risques en vue de réduire l’intervention de l’Etat pour l’indemnisation des pertes de production agricole suite à des crises agricoles. Il s’agit là d’un choix stratégique de l’Etat dont la politique est désormais orientée vers d’autres sources de revenus hors hydrocarbures, mais il s’agit également d’un moyen durable pour la fixation des populations rurales.

Le Fonds de garantie contre les calamités agricoles a été gelé en raison des difficultés rencontrées liées à son fonctionnement. Pour garantir sa durabilité, ce fonds doit être remplacé par un dispositif
semi-assurantiel où l’exposition aux risques ainsi que la gestion de risques doivent être prises en ligne de compte.

Les pouvoirs publics aspirent à lancer des réformes de l’assurance agricole. Dans le sillage de ces réformes et dans la continuité des travaux liés au dispositif d’assurance des calamités agricoles, sera-t-il question d’introduire de nouveaux produits pour couvrir les catastrophes climatiques, telles que la sécheresse qui n’est pas prise en charge par les compagnies d’assurances ?

Tel que souligné précédemment, cela n’est envisageable que s’il existe une véritable volonté de promouvoir l’assurance agricole par la mise en place d’un système économique assurantiel basé sur la mutualisation des risques, avec un soutien de l’Etat, dans le cadre d’un dispositif public-privé, qui devrait accompagner les réformes de la politique agricole engagées.

Un projet a été initié il y a quelques années par le CNA auquel la SAA a pris part avec des propositions, et un projet de texte réglementaire a même été finalisé, mais le dispositif n’a pas été mis en place.

D’autres techniques de prise en charge de ces risques sont apparues depuis dans d’autres marchés, comme l’assurance paramétrique qui devient actuellement un outil puissant d’évaluation des risques climatiques et de normalisation des indemnisations.

Quelles sont les perspectives pour l’exercice 2021 ? 

Dans le cadre de la diversification de ses offres, la SAA mène actuellement des études pour élargir la couverture sur l’assurance récoltes par la mise en place d’une multirisque climatique pour «les grandes cultures céréalières en système irrigué», pour notamment la couverture des risques grêle, gel, inondations, vents violents et sirocco. Ce projet intervient dans la perspective d’accompagner les grands projets de développement de la céréaliculture en irrigué localisés dans la partie sud du pays et répondre à une demande croissante sur ce segment.

Il s’agit d’une solution assurantielle pour la couverture des pertes de rendement individuel sur récolte, contrairement à l’assurance récolte traditionnelle qui couvre les dommages directs. Ce produit   permettra justement de couvrir les variations de rendement et sera adapté au potentiel de production et aux particularités techniques de chaque exploitation par la prise en compte des rendements historiques individuels de l’exploitation.

La contrainte majeure qui freine actuellement la commercialisation de ce type de produits est qu’il est difficile de déterminer la véritable cause de la baisse des rendements. Cela signifie que toutes les causes potentielles qui contribuent à la baisse des rendements seront supportées par l’assureur, y compris le manque d’approvisionnement en eau, les maladies. Il y a aussi les problèmes liés au manque de données agricoles individuelles, de compétences techniques et la difficulté d’évaluation des pertes après sinistre. Tout cela exige de nous une réflexion profonde avant sa mise en pratique.

Pour conclure, il est temps, à notre humble avis, que les opérateurs du marché des assurances de mener, avec l’implication des pouvoirs publics, une réflexion à l’échelle du marché sur les voies et moyens d’aider le secteur agricole suite aux calamités naturelles, y compris les incendies, dont on a vu récemment l’ampleur des dégâts subis par les agriculteurs.

Entretien réalisé par Sabrina Mouloud      

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