Fahim Atik, Directeur développement du Contenu local chez Sonatrach:« Nos marchés seront plus accessibles aux entreprises algériennes»

Le groupe Sonatrach finalisera, très prochainement, la révision de ses procédures de passation de marché, visant à alléger et lever les barrières d’accès aux entreprises algériennes. « Cette nouvelle procédure donnera plus de considération au contenu local», indique, dans cette interview que  nous a accordée, Fahim Atik, Directeur développement du Contenu local chez Sonatrach. La nouvelle procédure prévoit notamment l’interdiction de lancer un appel d’offres international s’il y a confirmation des capacités nationales existantes et suffisantes.

Sonatrach a dédié toute une direction au développement et à la promotion du Contenu local, pouvez-vous revenir, pour nos lecteurs, sur la création de cette direction que vous présidez ?

La création de la direction développement du Contenu local remonte au début 2019, elle fait suite au plan de développement et de transformation de l’Entreprise (SH2030) dont l’un des objectifs stratégiques fixés est d’atteindre un taux d’intégration nationale de 55% à l’horizon 2030. Le développement du Contenu local devient ainsi un axe stratégique au sein de nos projets de développement et sa prise en compte de manière pragmatique et méthodique, a nécessité une organisation dédiée à travers notre direction.


La mission principale de la direction est de définir la politique de développement du Contenu local de l’entreprise, en élaborant des stratégies à moyen et long terme de promotion. Il est préconisé d’arrêter un programme spécifique à destination des entreprises algériennes, de superviser et contrôler son exécution pour évaluer les objectifs arrêtés en la matière.

Elle jouera en plus le rôle d’interface et de facilitatrice entre les entreprises algériennes et les structures opérationnelles de Sonatrach. Ce qui nécessite un travail permanant qui va aboutir, certainement, à la création de nouvelles entreprises qui vont participer dans les marchés de Sonatrach et permettre également à moyen terme, de réduire de manière conséquente nos dépenses en devises, dont le montant des investissement total estimées annuellement entre 8 et 9 milliards de dollars. 

A Sonatrach, on affirme que la politique de développement du Contenu local est une « politique Groupe, inclusive et collaborative », pouvez-vous nous en dire plus ?

En adoptant une réelle politique de Contenu local, Sonatrach s’est résolue d’assumer encore plus son rôle de locomotive du développement de l’économie nationale. Et ce par la création de « shared value » tout au long de la chaine des hydrocarbures, en participant activement à stimuler le secteur industriel des PME/PMI algériennes à travers les opportunités offertes par sa stratégie de croissance à promouvoir et développer le transfert technologique et du savoir-faire et à développer une « supply chain » locale dans le secteur de l’oïl & gaz.


Pour relever ces défis et réussir cette politique, nous avons besoin de l’implication de toutes les parties prenantes. L’Etat, Sonatrach et ses filiales, les partenaires associés de Sonatrach ainsi que ses fournisseurs doivent construire un écosystème collaboratif et inclusif capable de créer et de partager cette valeur ajoutée sur toute la chaine de valeur des hydrocarbures. Si on arrive à créer des entreprises algériennes, qui tournent autour de l’industrie pétrolière et qui vont faire les intrants de cette industrie, on pourrait même exporter notre savoir-faire, principalement vers l’Afrique.

Atteindre un taux d’intégration nationale de 55% à l’horizon 2030 est un des objectifs de Sonatrach, comment aspirez-vous à l’atteindre ?

Tout d’abord, nous sommes en train d’établir un diagnostic de l’existant en matière de taux de participation des capacités nationales dans la chaine de valeur des hydrocarbures. Ceci nous permettra de mesurer, d’une part, le taux de contenu local actuel par catégorie de marchés et, d’autre part, de faire ressortir les segments d’activités qui accusent un retard, voire une absence, de capacités industrielles nationales.

Cette étape est primordiale parce que c’est à partir de ce diagnostic que nous pourrons élaborer des stratégies à moyen et long termes et arrêter un plan d’action avec des objectifs annuels chiffrés par segment de marché pour pouvoir atteindre le taux de 55% de contenu local à l’horizon 2030.
Il faut savoir qu’en nombre de contrats, les entreprises algériennes obtiennent le maximum soit 85 à 90%.


Par contre, 80% de montant de nos contrats sont attribués aux sociétés étrangères. Donc, c’est dans ce domaine-là, où on veut créer une maximisation de la participation des entreprises algériennes. Les entreprises algériennes gagnent des contrats simples. Elles activent principalement dans des marchés à faible contenu technologique.    

Comptez-vous seulement sur le tissu industriel existant ou est-il envisagé de contribuer à la création de nouvelles PME ? Si oui, comment et en partenariat avec qui ?

Notre politique s’appuiera sur des actions de consolidation avec le potentiel national existant mais aussi sur la création de nouvelles capacités industrielles sur les segments d’activités où l’on enregistre une absence ou insuffisance des capacités nationales. Avec les capacités nationales actuelles, filiales publiques et privées, nous sommes à peine à 20 ou 25% du contenu local dans les marchés de Sonatrach.


Pour maximiser ce taux et pouvoir atteindre les 55% à l’horizon 2030, nous sommes obligés d’investir dans des créneaux qui sont, à ce jour, détenus exclusivement par des entreprises étrangères. Par ailleurs, nous avons mis en place un nouveau dispositif consacré aux micro-entreprises pour lever les barrières et faciliter leur accès aux marchés de Sonatrach, soit par la participation des micro-entreprises actuelles dans leur domaine d’activités soit par l’encouragement des jeunes à la création de nouvelles micro-entreprises pour pénétrer de nouveaux segments d’activités.    

Assurer un plan de charges aux entreprises nationales est un des objectifs du Groupe, quels secteurs d’activités seront sollicités ?

Je dirai plutôt favoriser au maximum le recours aux entreprises algériennes et donner la priorité aux biens et services d’origine algérienne dans la concrétisation de nos opérations d’acquisition, en toute transparence, et sur une base concurrentielle selon les normes et les standards de l’industrie pétrolière.

En ce qui concerne les secteurs d’activités pouvant réellement intéresser les entreprises algériennes, ils sont dominés par les entreprises étrangères. Je citerai à titre d’exemple l’engineering quasi inexistant en Algérie. En effet, les services pétroliers ont les capacités limitées au niveau des filiales de Sonatrach pour réaliser notre plan de développement ainsi que la fabrication de divers équipements pétroliers la plupart importés.

C’est dans ces domaines là que nous pouvons créer de nouvelles entreprises, des milliers d’emplois, de hautes qualifications et d’assurer le transfert technologique et du savoir-faire, notamment à travers le partenariat avec des sociétés étrangères.                   

Les procédures de passation des marchés sont souvent décriées par les entreprises nationales qui soumissionnent aux appels d’offres de Sonatrach, qu’est-ce qui gêne ?

Notre expérience nous a montré que souvent la méconnaissance des procédures de passation des marchés de Sonatrach par les opérateurs algériens constitue un véritable obstacle à une participation accrue des entreprises algériennes. Ces mêmes procédures ne gênent nullement les entreprises étrangères qui ont su s’adapter et gagner des marchés en toute transparence et concurrence.


Cependant au-delà de ce fait, les capacités d’intervention des entreprises algériennes, hors filiales de Sonatrach et quelques entreprises publiques, demeurent limitées sur le marché conjugué à cela un retard considérable dans la maitrise des normes et standards de l’industrie pétrolière. Quant à la simplification de nos procédures, Sonatrach s’est engagée davantage dans ce sens où un projet d’amendement de la procédure de la passation des marchés est en cours de maturation et sa mise en place débouchera sur une nouvelle procédure qui accordera plus d’intérêt au contenu local et favorisera, à travers ses mécanismes, une participation plus accrue des entreprises algériennes aux biens existantes que celles à créer.

Qu’est-ce qui va changer ?  

La révision est en cours de finalisation. La nouvelle procédure prévoit notamment l’interdiction de lancer un appel d’offres international s’il y a confirmation des capacités nationales existantes et suffisantes. Il est prévu également un dispositif particulier qui va consacrer une proportion pour les micro-entreprises avec facilitation dans le critère de qualification.   
On va également instaurer un mécanisme de pré-qualification spécifique aux entreprises algériennes où les critères seront plus légers.
La procédure de passation des marchés n’est qu’un début. Comme je l’ai déjà souligné dans l’évaluation des appels d’offres, ce paramètre de contenu local devient un critère essentiel. Celui qui va donner le plus de contenu local même pour un étranger, sera favorisé par celui qui offre moins de contenu local.       

Entretien réalisé par Nacima Benarab            

Publié dans le magazine DZEntreprise N°41

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