Djamila Tazir Aichoune, l’avocate artisane passionnée par le tapis ancestral

«Rien ne se perd, rien ne se créé, tout se transforme.» Cette célèbre phrase de Lavoisier, Djamila Tazir Aichoune, en a fait une règle de vie, notamment en ce qui concerne les objets en rapport avec notre culture et notre identité. Et s’il y en a un qui suscite son intérêt et sa passion, c’est bien le tapis algérien, auquel elle a décidé de donner une seconde vie en créant Kelim Hanbel Art.  Elle a d’ailleurs été lauréate du 7e festival de la création féminine, programme recyclage du Hanbel.

 «Cela fait des années que je fais de la récupération de vieux tapis que je traite et restaure, soit en leur donnant une nouvelle vie quand ils sont encore entiers et relativement en bon état, soit en les découpant pour en faire des objets quand ils sont en lambeaux», nous confie Djamila Tazir en marge de l’exposition organisée au bastion 23 à l’occasion de la Journée nationale de l’artisanat en novembre dernier.

Djamila Tazir, avocate de profession, que nous avions déjà rencontrée en 2019, lors d’une exposition vente dans un hôtel algérois, garde intacte sa passion pour la tapis algérien et son histoire, qui, tient-elle à rappeler, existe depuis des siècles, bien avant 1830, contrairement à ce qu’affirment certains écrits sur le sujet.

Les bouts de tapis récupérés ici et là, auprès de familles, parfois même dans des décharges, sont transformés en sacs à main, en paniers, en tabourets et en babouches… Pour ce dernier objet, Djamila Tazir tient à préciser qu’elle travaille avec l’un des plus grands artisans en cuir.

«Pour la babouche, je suis en partenariat avec Ziri Mourad, un artisan spécialiste du cuir qui traite la matière qu’il travaille, peau de chèvre, mouton et vachette, avec des produits naturels. Par exemple, pour colorer une babouche en jaune, il utilise du mimosa. C’est vous dire que nous travaillons dans un respect total de l’environnement.» Mais aussi avec pour principal objectif de ressusciter le métier du tissage dans sa région d’adoption : Timimoun où cette «Algéroise» a choisi de s’installer.    

Rouvrir le centre de tissage d’Aghiet

Reconstituer le patrimoine de la région, donner ou redonner au tapis la place qui est la sienne dans cette région du Sud algérien est un combat au quotidien de Djamila Tazir qui est allée de formation en formation pour pouvoir vivre pleinement sa passion.

«Un produit est dit artisanal que s’il est fait à 70% main, je me suis donc outillée pour tout faire à la main, en acquérant des techniques de couture des tapis pour coudre les coussins de sol et le cuir pour les sacs, les pochettes et les babouches. J’ai même appris à travailler le bois pour fabriquer les tabourets», nous explique Djamila Tazir Aïchoune.

L’entreprise dédiée au recyclage des vieux tapis qu’elle a créée en 2016 a pour objectif de réconcilier les femmes de la région avec les métiers à tisser et leur offrir ainsi les moyens de subvenir à leurs besoins car bon nombre d’entre elles vivent dans la précarité.  

Redonner vie au tapis nomade

D’ailleurs, Djamila Tazir se bat à travers l’association Tigourarine aux côtés de madame et monsieur Kadiri pour la relance du métier de tissage dans la région.

«Nous avons entamé plusieurs démarches pour la réouverture du centre de formation tissage situé dans la localité d’Aghiet, à 10 km de Timimoun. C’est un centre qui est doté de six métiers à tisser, aujourd’hui délaissé. Le centre sert comme salle des fêtes, cela fait des années que nous essayons de le rouvrir pour que les filles de la région puissent apprendre un métier. Hélas, toutes nos tentatives sont restées vaines», regrette notre interlocutrice.

Cette artisane tente d’attirer l’attention des autorités locales, notamment celles chargées du patrimoine de l’artisanat et du tourisme, sur l’urgence de redonner vie au tapis nomade qui tend à disparaître, contrairement à celui de Ghardaïa qui est bien protégé. Son souhait est celui de tous les artisans qui ont fait de leur passion , un art, un métier, «donner à l’artisanat algérien la place qui est la sienne. une place universelle.» 

Sabrina Mouloud

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