Djallal Bouabdellah, expert : «la souveraineté numérique passe par la protection des données»

La cybercriminalité a pris une part croissante dans le débat public et médiatique ces derniers temps. Le phénomène en question ne se résume donc plus à des actes isolés, anecdotiques ou spectaculaires, mais la cybercriminalité est désormais souvent considérée comme un risque sécuritaire majeur par la plupart des experts, comme l’a précisé hier, Djallal Bouabdellah.

Certes, l’Algérie de demain ambitionne de généraliser le numérique, mais elle doit anticiper les mutations technologiques et se préparer à faire face aux éventuels risques comme la cybercriminalité. De ce fait, la numérisation peut apporter le meilleur comme elle peut apporter le pire.

«Avec 2,5 quintillions d’octets de données générées quotidiennement dans le monde, notre production de données qu’on déverse à notre tour dans cet immense espace numérique sans une stratégie de leur protection permanente est une démarche extrêmement périlleuse, voire totalement obsolète», a expliqué aujourd’hui l’expert en transformation digitale et cyber-sécurité et directeur de la stratégie chez Ayrade, M. Djallal Bouabdellah, qui s’exprimait au sein de l’émission «L’invité de la rédaction» de la chaîne 3 de la Radio algérienne. 

Partant du postulat que la souveraineté numérique passe par la protection des données, la digitalisation ne peut se concevoir sans les indispensables facteurs de réussite, notamment que ces deux dernières années, nous avons assisté à un nombre important de cyberattaques contre l’Algérie, fait remarquer Djallal Bouabdellah.

«Il faut savoir que le foisonnement de données produites à l’échelle mondiale va remarquablement crescendo, avec les 90% qui ont été créées ces deux dernières années», précisera M. Bouabdellah. 

En clair, il ne suffit pas de produire des contenus si on ne sait pas les protéger. Protection oui, mais d’abord anticipation du risque cybernétique par la prévention. Et pour cause, les données deviennent une source de richesse de par leur exploitation tous azimuts, notamment chez les plus grands constructeurs technologiques dans le monde, à savoir les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Microsoft).

«Chaque minute, on crée plus de 57 000 publications images, 100 heures de vidéos en ligne, 2,8 millions de publications sur les réseaux sociaux, plus de 2,5 millions de requêtes de recherches web. Nous ne sommes plus à l’ère de données mais à celle du Big Data», dira M. Bouabdellah avant d’ajouter : «L’exploitation de nos données s’apparente en effet à de l’espionnage à grande échelle, paradoxalement autorisé par nous-mêmes, dès que l’on s’inscrit sur un espace très souvent, sinon toujours, sans lire les conditions d’utilisation, et en cliquant sur ‘‘J’accepte’’, nous autorisons par ce geste ces entreprises à accéder et à exploiter nos données».

Notons que selon les données des services de la Sûreté nationale, 2365 affaires liées à la cybercriminalité ont été enregistrées au 1er semestre 2022 touchant 1641 victimes. Ainsi, 2749  personnes ont été interpellées.

Selon le rapport du laboratoire Kaspersky, le secteur de l’énergie est le plus touché par ces attaques, alors que l’Algérie ne figure pas non plus sur la liste des pays ayant une bonne infrastructure en cybersécurité.

Pour l’expert et spécialiste en cybersécurité et réseaux, le Dr Amir Djenna a révélé que l’Algérie figure parmi les cinq premiers pays au monde en pourcentage de système de contrôle industriel à avoir été attaqués en 2017, selon le rapport du laboratoire Kaspersky.

Dans son intervention lors de la rencontre organisée, en avril 2022, à la faculté des sciences politiques par la cour de Constantine, en collaboration avec quatre universités de la ville, autour du thème de la cybercriminalité, le même expert a déclaré qu’en matière de cybersécurité et de failles dans les services et les applications, l’Algérie a été classée à la 181e place sur 183 pays

Pour rappel, le site électronique de l’Agence «Algérie Presse Service» (APS) dans ses versions multilingues fait l’objet, depuis dimanche, d’une série de cyberattaques «sévères» en vue de son piratage, d’où son blocage momentané à titre préventif.

Ces attaques «sévères» ont été localisées et proviennent du Maroc, de l’entité sioniste occupante et de certaines régions d’Europe.

Les mesures et systèmes techniques de l’Agence ont permis de repousser ces cyberattaques «sévères» qui se poursuivent toujours, d’où le blocage momentané du site, à titre préventif, pour protéger la base de données contre toute attaque.

Fatiha A.

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