Investissement public: La Cour des comptes révèle de graves défaillances

La Cour des comptes a relevé, dans son rapport d’appréciation sur l’avant-projet de loi portant règlement budgétaire de l’exercice 2018, de graves défaillances dans les opérations d’investissement public, la maturation des études ainsi que l’exécution et le suivi des programmes d’investissement.

Présentant ce rapport devant la Commission des finances et du Budget à l’Assemblée populaire nationale (APN), le président de la Cour des comptes, Abdelkader Ben Maarouf a insisté sur l’impérative maîtrise du budget destiné à l’investissement public et le remboursement des crédits octroyés aux grandes entreprises, notamment dans le cadre du financement non conventionnel auquel a recouru le gouvernement en 2018.

Le président de la Cour des comptes a affirmé que « l’efficacité des dépenses publiques et l’exécution des crédits alloués à certains secteurs constituent le noyau et une problématique dans la méthode de gestion des deniers publics ».

En chiffres, le déficit budgétaire global a atteint 2082 milliards en 2018, soit trois fois du déficit de 2017, en raison de la hausse sensible relevée dans les dépenses d’équipement (+ 74,1 %) malgré la croissance des revenus budgétaires de 5,5% durant la même période, a-t-il fait savoir.

L’exécution des opérations financières de l’Etat a été caractérisée par un déficit du Trésor de -1341 milliards de dinars, financé de manière non conventionnelle à hauteur de 900 milliards de dinars, et en exploitant les dépôts des pourvoyeurs du Trésor et les comptes financiers.

Pour le président de la Cour des comptes, ce déficit a fortement contribué à l’augmentation de la dette publique qui a atteint 7778 milliards de dinars, soit 38% du produit intérieur brut (PIB), ce qui représente une hausse de 4178 milliards de dinars, tout au long des années 2017-2018.

Cette croissance, ajoute M. Ben Maarouf, est due à l’augmentation de la dette interne, après le recours au financement non conventionnel dont le montant s’est élevé à 5565,2 milliards de dinars, soit 2185 milliards de dinars en 2017 et 3371,2 milliards de dinars en 2018.

Par ailleurs, les recettes budgétaires se sont élevées à près de 6405 milliards de dinars, soit une augmentation de 5,5% par rapport à l’exercice 2017, ce qui reflète l’impact lié à l’augmentation dans la fiscalité pétrolière (10,5%) et à la croissance des revenus issus des bénéfices et des contributions financières de l’Etat (11,6%), a-t-il poursuivi.

Intervenant au terme de cet exposé, les députés se sont interrogés sur le recours au financement non conventionnel afin de financer l’économie et l’absence de clarifications de la part des secteurs qui ont bénéficié de ce financement.

Certains membres de la commission ont demandé des explications concernant les dotations financières destinées à l’investissement, non contenues dans le rapport de la cour, dénonçant en même temps l’absence des annexes qui figuraient dans les rapports précédents.

Certains intervenants ont même évoqué l’absence d’une annexe relative aux recommandations, un document figurant dans les rapports précédents de la Cour. D’autres membres de la commission se sont interrogés sur les causes de la poursuite de la hausse du déficit budgétaire depuis des années.

Ben Maarouf justifie le recours au financement non-conventionnel

Répondant à ces préoccupations, le président de la Cour des comptes a affirmé que le recours au financement non-conventionnel était une nécessité, et ce après que le gouvernement ait refusé de recourir à l’endettement extérieur et aussi en raison également de l’absence d’une possibilité de recourir à l’endettement interne.

Pour ce qui est du rapport d’appréciation, M. Ben Maarouf a indiqué qu’il a été élaboré dans des conditions difficiles marquées par la pandémie Covid-19, ajoutant que le Cour des comptes n’avait été destinataire du projet de règlement budgétaire de l’exercice 2018, qu’en septembre 2020.

En dépit de cela, poursuit le même responsable, tous les cadres de la Cour ont été mobilisés pour rattraper le retard et élaborer un rapport global d’évaluation. 

S’agissant des recommandations, le même responsable a indiqué que certaines ont été intégrées dans le rapport, citant à titre d’exemple, l’appel lancé à l’adresse des départements des Finances et d’autres ministères à l’effet d’accélérer le parachèvement des mesures prises dans le cadre de la modernisation des finances de l’Etat.

La Cour des comptes a également préconisé la mise en place des mesures indispensables à la promotion d’un système d’information efficace, d’un contrôle interne efficient, de consolider l’élaboration du budget à travers l’intégration des dépenses non-prévisionnelles et celles qui ne sont pas actuellement intégrées dans le budget ordinaire de l’Etat, en vue d’élaborer un budget réel des charges de l’Etat.

La Cour des comptes a également mis l’accent sur l’amélioration de la qualité d’élaboration et d’évaluation des opérations d’investissement et proposé le financement des projets mûrs seulement, et ce en vue d’éviter un retard dans la réalisation, ainsi que le recours à la réévaluation à coût élevé.

Yanis Oumakhlouf

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