Emboitant le pas aux BRICS : L’Afrique veut tourner le dos au dollar via la Zlecaf

Tracée comme objectif par le groupe des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), la sortie du dollar américain dans le règlement des transactions de commerce extérieur fait des émules, pour atteindre désormais le continent africain. En Afrique, c’est sur la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine) que les pays du continent comptent s’appuyer pour aller vers cette option de la substitution des monnaies locales au billet vert dans les échanges commerciaux qui s’effectueront au sein du continent.

C’est ce que vient d’annoncer la Banque africaine d’import-export (Afreximbank) dans un communiqué faisant état d’un accord signé avec le secrétariat général de la Zlecaf préparant le terrain pour la facilitation des paiements transfrontaliers au sein du continent en monnaies locales.

« La Banque africaine d’Import-Export (Afreximbank) et le Secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) ont mis au point PAPSS (Système de paiement et de règlement panafricain), qui permet des paiements transfrontaliers instantanés en monnaie locale », a annoncé la banque africaine d’import-export dans la capitale égyptienne, le Caire, à l’issue de la signature de cet accord dont le but est de promouvoir l’utilisation de monnaies locales dans les transactions commerciales intra-africaines.

Expliquant les raisons qui motivent le recours des sphères économiques africaines à cette option, Afreximbank précise dans son communiqué que «pendant longtemps, les investisseurs qui font des affaires en Afrique ont eu du mal à effectuer et à régler des paiements transfrontaliers. Les paiements prennent beaucoup de temps, sont coûteux en raison d’un environnement exigeant l’utilisation de banques correspondantes en dehors du continent, et sont effectués en devises étrangères (dollar US ou euro) ». C’est pourquoi donc l’adoption d’un système de paiement en monnaies locales est perçue comme la solution idoine afin d’en finir avec les déboires que subissent les opérateurs économiques du continent pour le règlement de leurs transactions commerciales.

Confiée à l’ASEA (Association africaine des bourses de valeurs), « qui compte neuf bourses et une capitalisation boursière combinée de 1 500 milliards de dollars US », selon le même communiqué, la mise en place du système PAPSS pour la généralisation des paiements transfrontaliers en monnaies africaines, permettra, « en tant que système de paiement, d’améliorer le Projet de liaison des Bourses Africaines (AELP), un projet phare de l’ASEA visant à faciliter les échanges transfrontaliers de valeurs mobilières en Afrique. Le PAPSS a entamé une période de déploiement rapide de son système dans toutes les nations africaines », précise encore l’Afreximbank dans son communiqué.

Mené initialement par les BRICS, le mouvement de « dédollarisation » des transactions du commerce extérieur est ainsi en phase de se généraliser au sein des pays émergents et ceux de l’hémisphère sud globalement.

60% des transactions commerciales s’effectuent en dollar

Au début du mois d’avril dernier, à la veille de la visite de son président à Pékin, le Brésil a annoncé un accord conclu avec la Chine permettant de régler leurs échanges bilatéraux dans leurs monnaies locales respectives. Mercredi dernier, c’est l’Argentine qui emboite le pas au pays de Lula, en annonçant un accord trouvé avec le géant asiatique pour l’utilisation dès ce mois de mai de monnaies locales dans les transactions commerciales entre les deux pays, pour ainsi s’émanciper du dollar américain.

« A la suite de l’accord avec les différentes entreprises, la Banque populaire de Chine et la Banque centrale argentine, nous avons rééchelonné l’instrument de paiement de plus de 1,04 milliard de dollars pour ce mois-ci, pour les importations en provenance de Chine », expliquait le ministre argentin de l’Economie, Sergio Massa, pour qui, cette sortie du dollar américain « permettra d’améliorer les perspectives des réserves nettes de l’Argentine ».

Outre les BRICS et les pays latino-américains, l’Arabie saoudite a exprimé aussi sa volonté de s’affranchir du billet vert dans ses transactions d’import-export. Et c’est son ministre des Finances, Mohammed Al-Jadaan, qui a saisi l’opportunité de sa participation au Forum économique de Davos en janvier dernier pour en faire l’annonce, de surcroît en présence du club restreint des pays qui incarnent l’ordre mondial actuel imposant l’hégémonie du dollar américain.

Interrogé sur ce mouvement prônant la sortie du dollar, l’économiste Eric Robertsen, stratégiste en chef et responsable de la recherche à la banque Standard Chartered, a avancé dans les colonnes du journal Les Echos, le montant de « réserves globales de 12 000 milliards de dollars que détiennent les banques centrales dans le monde », précisant que 60% seulement des transactions commerciales mondiales sont libellées en dollars (contre 68% il y a 10 ans).

Le 30 avril dernier, un représentant parlementaire russe, à savoir Anatoly Aksakov, président de la commission des marchés financiers de la Douma (parlement russe), a révélé des négociations ouvertes entre les pays membres du groupe des BRICS pour « créer une monnaie alternative qui contournerait le dollar américain ».

Mohamed Naïli

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