Yazid Benmouhoub: «Faire de la place d’Alger un lieu d’excellence de la finance islamique»

Dans le présent entretien, Yazid Benmouhoub, DG de la Bourse d’Alger  assure que les conditions légales sont réunies pour la mise sur le marché, dans le cadre de la finance islamique, des titres de créance, appelés sukuk.

Inscrit en 2014, le projet a été validé par le Haut Conseil islamique
et transmis aux experts pour apporter les ajustements nécessaires.

A présent, il est question de convaincre les opérateurs publics et privés de l’intérêt de recourir aux produits de la finance islamique pour le financement de leurs projets. La Bourse d’Alger est en contact permanent avec l’AAOIFI, la plus importante institution de normalisation comptable et financière islamique dans le monde.

Monsieur Benmouhoub, vous considérez que la finance islamique est un axe majeur du nouveau modèle de financement de l’économie algérienne. Quel rôle va jouer la Bourse d’Alger en la matière ?

Les récentes évolutions significatives de la finance islamique en Algérie le prédisent, notamment  depuis 2020, avec les produits bancaires islamiques complétés depuis 2021, les produits assuranciels takaful. Adossé aux nouvelles technologies, elle constitue l’un des moyens de gagner en inclusion financière et de lutter efficacement contre le phénomène de thésaurisation.

Vous avez annoncé par le passé un projet de création d’un compartiment des sukuks au niveau de la Bourse d’Alger. Quel est l’état d’avancement de ce projet et quelle en est la finalité ?

En vue de finaliser le dispositif financier islamique, il devient nécessaire de compléter la panoplie de produits bancaires et takaful par la mise sur le marché boursier de produits qui soient conformes à la charia. En effet, nous considérons que sans ce marché, l’industrie de la finance islamique ne pourra pas atteindre les objectifs qui lui ont été fixés. Cela est tout à fait vérifiable à travers les expériences des pays qui ont opté pour cette industrie financière.

Il s’agit de la mise sur le marché des titres de créance, des sukuk. Le projet que nous avons inscrit dans nos tablettes depuis 2014, et sur lequel nous avons travaillé avec différents acteurs, a été validé par le Haut-Conseil islamique et transmis à qui de droit pour apporter les ajustements légaux et réglementaires nécessaires à sa mise sur le marché. Nous avons bon espoir que cela se fera dans les meilleurs délais.

Ainsi, les institutionnels qui exercent une activité halal auront la possibilité d’émettre des sukuks, s’ils ont besoin de fonds comme ils pourront placer leurs excédents, comme les fonds de placement takaful, et obtenir des rémunérations à la marge, halal. Ce sera également un excellent moyen d’attirer les particuliers qui jusqu’à présent refusent de placer leur avoir dans des produits bancaires classiques.

En termes simples, qu’entend-on exactement par le mot sukuk ? Les conditions sont-elles suffisamment réunies pour  une bonne utilisation de ces titres d’investissement dans notre pays ?

Les sukuk, pluriel de sak, est en fait un titre de créance qui peut être émis soit par des entreprises, on parle alors de sukuk corporates, soit par l’Etat à travers des sukuk souverains.

Ils ont la particularité d’être adossés à un actif tangible, donc garanti, et leur rémunération est liée à la rentabilité du projet qu’ils financent. Il y aura donc un partage des profits mais également des pertes, en cas de défaillance du promoteur, cas assez rare.

Parlant des conditions de leur utilisation, si nous faisons le parallèle avec les évolutions récentes de la législation fiscale, notamment en vue de neutraliser la double imposition générée par des produits bancaires islamiques, nous pouvons affirmer que les conditions légales de réussite de ces nouveaux produits sont réunies. Reste à convaincre les opérateurs publics et privés de l’intérêt de recourir à ce type de produits pour financer leurs projets, mais également les investisseurs, des avantages que procurent les sukuk, en termes de garantie mais surtout de rendement non fiscalisé.

La Bourse d’Alger prévoit-elle des actions de partenariat avec des institutions et des organismes nationaux et internationaux, toujours dans le cadre de la finance islamique ?

Nous avions inscrit le projet des sukuk en 2014. Seulement, les conditions n’étaient pas réunies à l’époque pour leur mise sur le marché mais cela nous a permis d’avancer dans la finalisation du projet qui a atteint aujourd’hui des avancées considérables.

Nous avons, pour cela, signé un mémorandum avec la Bourse Tadawul d’Arabie saoudite, qui constitue l’un des premiers marchés de sukuk dans le monde.

Cela nous permet de bénéficier de leur savoir-faire et de leur technologie dans la gestion de ce type de titre innovant. Aussi, nous sommes en contact permanent avec l’AAOIFI, qui est la plus importante institution de normalisation comptable et financière islamique dans le monde. Son ancien secrétaire général a même effectué une visite au siège de la Bourse d’Alger en 2016.

C’est dire que nous avons anticipé certaines actions qui nous ont permis d’avoir une meilleure maîtrise d’une nouvelle industrie qui connaît, aujourd’hui, un développement fulgurant au niveau mondial. Nous avons tout intérêt à faire de la place d’Alger  un lieu d’excellence de la finance islamique dans le monde.

Entretien réalisé par Karima Mokrani

Les commentaires sont fermés.