Assurances agricoles : les dispositif juridique et organisationnel doivent évoluer

L’Algérie occupe la sixième position en Afrique et la 72e à l’échelle internationale dans le secteur des assurances, dont le chiffre d’affaires stagne à moins de 1,5 milliard de dollars par an depuis 2012, a affirmé, ce 23 mai , à Alger, Hassan Khelifati, PDG d’Alliances Assurances et membre du comité d’organisation de la 49e conférence de l’Organisation des Assurances africaines (OAA) qu’a abritée l’Algérie du 27 au 31 mai 2023.

«Les raisons de ces mauvais chiffres sont liés à un dispositif juridique et organisationnel qui doit évoluer», estime le PDG d’Alliances Assurances lors de son passage au forum du quotidien El Moudjahid, avec Youcef Benmicia, président de l’Union algérienne des sociétés d’assurance et de réassurance (UAR).

Ce dernier a affirmé qu’en 2021, le chiffre d’affaires global de l’industrie des assurances à travers le monde a été de 6.800 milliards de dollars, dont 80% sont détenus par les pays développés, alors que ceux dits émergents ont fait à peine 69 milliards de dollars (soit 19%) contre 1% pour l’ensemble du continent africain.

A elle seule, l’Afrique du Sud détient 80% du chiffre d’affaires global, soulignent les conférenciers. Concernant l’Algérie, et s’appuyant sur les dires des experts en assurances, Benmicia affirme que «le poids réel du secteur des assurances est 4 à 5 fois plus important que ce qu’il est aujourd’hui».

«Il faut sortir de la vision bureaucratique et adopter une vision économique dans le domaine des assurances», suggère, à son tour, Khelifati qui a beaucoup insisté sur l’accélération du processus de réforme du secteur bancaire et financier et la mise en place d’une autorité de régulation indépendante.

Abondant dans le même sens, Benmicia déclare qu’en 20 ans, et après le séisme de 2003 à Boumerdès, «nous n’avons pas encore atteints les buts que nous nous sommes fixés. Nous avons réalisé entre 10 et 11% seulement des objectifs».

Pour lui, il est nécessaire de revoir le cadre organisationnel et juridique et surtout s’adapter aux nouvelles donnes liées aux changements climatiques.

Plaçant la 49e conférence de l’OAA sous le thème «La contribution de l’assurance aux défis de la sécurité alimentaire en Afrique», l’Organisation africaine des assurances cherche, en effet, à faire de l’assurance agricole contre les catastrophes naturelles un axe de travail pour les années à venir.

En Algérie, insiste les deux invités du forum d’El Moudjahid, l’assurance agricole est loin de répondre aux exigences du moment et aux ambitions des assureurs, alors que le secteur agricole génère pour notre pays plus de 35 milliards de dollars, ce qui représente 14% du produit intérieur brut (PIB). En face, le chiffre d’affaires des compagnies d’assurances ne représente que 1,5% du chiffre d’affaires global.

Avec les bouleversements climatiques qui engendrent de longues périodes de sécheresse à l’origine d’un grave stress hydrique, ainsi que des incendies ravageurs, le secteur des assurances pense qu’il est possible d’apporter sa contribution à même d’appuyer les petits paysans qui ne disposent pas de suffisamment de moyens pour s’offrir une grande assurance.

A ce propos, Benmicia évoque la possibilité de mise en place d’une micro-assurance, comme cela est le cas dans plusieurs pays qui expérimentent avec réussite ce produit. Il affirme que lors de la conférence de l’OAA, assureurs et experts ont échangé sur les systèmes d’assurances adéquats pour lutter contre les risques de catastrophes naturelles et pense que l’Algérie pourrait se placer sur un marché presque vierge sur le continent africain.

Le président de l’UAR propose aussi l’institution d’un système de couverture associant le secteur public et privé afin de parer aux grandes calamités agricoles, suggérant que l’assurance indiciaire pourrait aussi constituer une solution contre ces mêmes calamités agricoles. L’idée de rendre l’assurance agricole obligatoire est au cœur des débats parmi les professionnels du secteur des assurances.

Pour sa part, Hassan Khelifati explique que le défi à relever aujourd’hui est de nature juridique et réside également dans le choix des méthodes et des outils de travail, notant que «les propositions des professionnels de l’industrie des assurances vont en droite ligne de la politique du gouvernement qui veut garantir la sécurité alimentaire, sanitaire et énergétique».

Khelifatif pense que l’aide de l’Etat est importante, tout en ajoutant que les compagnies d’assurances ont aussi l’obligation d’assumer leurs responsabilités et engagements, dans un cadre évidemment clair et réglementé. Il citera, à ce titre, la contribution de certains Etats dans la lutte contre les catastrophes naturelles : l’Inde avec 85% d’aide apportée aux agriculteurs, les Etats-Unis (70%), la Chine (77%), la France (59%) et l’Espagne (55%).

Pour rappel, la 49e conférence de l’Organisation des assurances africaines a vu la participation de pas moins de 73 pays, issus de cinq continents. Plus de 1.700 personnes se sont inscrites à cet événement auquel ont pris part plus de 600 experts et professionnels algériens des assurances, souligne Khelifati.

Lyès Menacer

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