Riadh Attia :« la coopération économique entre l’Algérie et la Tunisie est modeste »

Le renforcement du partenariat entre l’Algérie et la Tunisie demeure tributaire d’une réglementation moins contraignante, d’une communication plus offensive et d’un circuit bancaire financièrement contributif. Ce sont là, les axes développés par Riadh Attia, Chef de la Mission commerciale tunisienne à Alger, relevant de Tunisia Export ou Centre de promotions des exportations (Cepex), lors de l’entretien qu’il a accordé à DZEntreprise

Les échanges commerciaux entre l’Algérie et la Tunisie ont atteint 1.2 milliards d’euros en 2016. Une évolution de l’ordre de 7% en comparaison avec 2015. Est-ce suffisant?

En vérité, en dépit de la communauté de points entre les deux pays, la coopération demeure modeste, représentant seulement 5% du global des échanges tunisiennes mondiales. Il faut savoir que l’Algérie est le premier partenaire arabe et africain et le quatrième mondial, après la France, l’Italie et l’Allemagne. Elle est le 7ème fournisseur de la Tunisie, avec seulement 0.9% du volume des importations tunisiennes.  Par ailleurs, les exportations tunisiennes vers l’Algérie constituent 4% du total exporté par notre pays. Pour les six premiers mois de l’exercice en cours, le volume d’échanges a connu une baisse par rapport à la même période de l’année écoulée. Toutefois, si l’on se référence au bilan 2012-2016, il en ressort une progression de l’équation exportations/importations tunisiennes. Elle se présente ainsi : les exportations  tunisiennes vers l’Algérie sont respectivement de l’ordre 257.38 millions d’euros, 268.532 millions d’euros, 365.83 millions d’euros, 372.266 million d’euros et 478.7812 millions d’euros. Quant aux importations tunisiennes provenant de l’Algérie, elles sont estimées à 521.9 millions d’euros, 654.772 millions d’euros, 905.352 millions d’euros, 534.31 millions d’euros et 489.6 millions d’euros.

Quelles sont les raisons de cette faible coopération ?

Elles sont nombreuses. A commencer par les restrictions algériennes en matière de licences d’importation. Le ciment, phosphates et remorques et semi-remorques, sont dans cet ordre,  les produits les plus importés par l’Algérie à partir de la Tunisie. Le premier cité a logiquement vu son quota baisser de l’ordre de plus de 10%, surtout depuis que l’Algérie a décidé d’investir dans ce créneau. Il y a aussi le fait que le cadre réglementaire, d’une manière générale, ne joue pas en faveur de la hausse des échanges. Certes, les mesures d’incitation entre les deux pays existent, mais elles sont appelées à être renforcées davantage. Dans ce domaine, il faut souligner que deux mécanismes réglementaires lient les deux pays. Il s’agit de l’Accord commercial préférentiel bilatéral et l’Accord de la Grande zone arabe de libre-échange arabe (GZALE).

Il était question de revoir les textes pour  libéraliser davantage les échanges entre les deux pays, c’est toujours d’actualité ?  

Cet aspect est examiné dans le cadre des Commission mixtes des deux pays. Mais il y a d’ autres aspects  à  promouvoir, je cite entre autres  la diffusion de l’information. Les deux pays doivent avoir une visibilité de leurs atouts respectifs. Ceci permettra d’identifier les partenaires de part et d’autre. Et le volet communicationnel ne doit pas  être la prise en charge exclusive  des officiels, le rôle du patronat devra également  y prévaloir, surtout dans la promotion et la sensibilisation. En second lieu, les banques. Car, aucun investissement ne peut être concrétisé si jamais ces établissements ne valoriseraient pas leur statut de soutien financier et de bailleurs  de fonds.

Beaucoup d’opérateurs économiques algériens  dénoncent les restrictions dont ils font l’objet dans le cadre de l’exportation vers la Tunisie …

C’est l’inverse qui doit être souligné. Et comme déjà expliqué, le régime d’ordre général auquel sont soumis les marchandises et produits, est contraignant mais pas exclusivement pour la Tunisie. Alors qu’en revanche, les produits algériens qui entrent en Tunisie, sont avantagés par le non-paiement de taxes, notamment dans le cadre de la Gzale.

Des entreprises algériennes se sont  implantées en Tunisie,avez une estimation et quelles avantages ont elles ?

L’avantage principal date des années 1970. Il s’agit de la politique tunisienne d’ouverture aux Investissements directs étrangers (IDE), qui est, avec les exportations, le levier économique du pays. Le résultat est le suivant : 3000 sociétés étrangères, en majorité européennes, ont pu lancer leur investissement. La part algérienne se résume, elle, à 56 projets dont  39 en industrie, 13 dans les services, 3 en agriculture et 1 dans le tourisme. Ces statistiques sont fournies par le FIPA (Forum investissement promotion Agency). En revanche, en Algérie, on compte une trentaine d’entreprises tunisiennes, exerçant majoritairement dans le secteur industriel (automobile, plastique, profilé en aluminium, la construction mécanique, les pièces électroniques, l’habillement, l’agroalimentaire). La moitié d’entre-elles sont en partenariat selon la règle 59/41. Si on y ajoute les entités commerciales, l’implantation tunisienne est évaluée à une centaine d’entreprises.

Quels sont les secteurs visés par le partenariat algéro-tunisien ?

On peut  énumérer l’agriculture, l’agro-industrie, la pisciculture, l’automobile, le tourisme, la santé, l’éducation, les Technologies d’information et de communication (Tic), les énergies renouvelables (EnR), le bâtiment. Le partenariat entre les deux pays peut surtout s’articuler sur le transfert de l’expérience tunisienne, acquise dans des domaines tels le tourisme, le textile et l’automobile. Au profit de celui-ci, nous avons  déjà organisé des B to B fin février 2017 à Alger.

Et l’oléiculture. Quels en sont les objectifs ? Sachant qu’une partie qu’exporte la Tunisie provient de la production algérienne ?

Premièrement, je ne suis pas au courant de cette donnée, que je ne peux ni infirmer ni confirmer. Et si cela s’avère exact, il se peut qu’elle ait été faite dans le cadre du négoce international, qui consiste en l’achat d’un produit pour le revendre sur un marché international. Ce qui, au demeurant est tout à fait légal. Ensuite, Il faut tout d’abord prouver la quantité d’huile provenant de l’Algérie, et que la Tunisie a exporté avec  sa propre production. Sur ce, Algériens et Tunisiens peuvent investir dans le partenariat oléicole, en amont et en aval. Cap ensuite sur les marchés stratégiques difficilement accessibles, notamment celui des USA. Ce qui nous permettra, ensemble, de faire front contre la concurrence des pays qui nous ont dépassés dans la commercialisation de quelques produits. Et pas seulement l’huile d’olive. De toute façon, cette information doit être un signal fort aux opérateurs économiques algériens, afin qu’ils donnent plus d’importance à cette filière.

Quels  sont les autres objectifs pouvant découler du partenariat?

Ce sera l’Afrique, destination économique à moyen terme. La première cible africaine sera, à coup sûr, la partie subsaharienne du Continent.

Entretien réalisé par Zoheir Zaid

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