DG NCA-ROUIBA : «Le marché de la grande distribution est frappé de myopie»

La bataille des producteurs réside en fait dans la distribution. Cette affirmation, nous la tenons
de Sahbi Othmani, directeur général de NCA-Rouiba

[dropcap]P[/dropcap]résente sur le marché des jus de fruits depuis 1966. Pour cette raison, l’entreprise développe depuis 1998 un réseau de distribution qui lui permet de toucher le grand Alger mais, aussi les autres régions et arrive à assurer une couverture nationale de plus de 90%.

NCA-Rouiba exporte aussi vers la Tunisie et ambitionne d’aller vers d’autres destination africaines, mais, avant tou,t elle vise à garder la place qui lui revient sur le marché national, celle de leader. Pour ce faire, elle ne laisse rien au hasard. Certification de son management et de son processus de production assurent une traçabilité du produit qui permet de remonter jusqu’au début du processus de fabrication.

Mais, il faut dire que tous ces efforts sont ralentis par un marché où l’informel détient une part très importante face à une grande distribution encore à ses débuts, elle na dépasse pas 6% du marché global.
Ce qui est insignifiant face au poids de l’informel.
Comment faire pour que ce marché puisse enfin intégrer les circuits officiels ? C’est, d’après Sahbi Othmani, la question pertinente qu’il faut poser car c’est dans ce sens qu’il faut débattre de cette problématique.
Dans cet entretien, il décortique la situation de la grande distribution et explique la domination du secteur de l’informel par la taxe sur l’activité professionnelle qui, si elle venait à être appliquée, provoquerait des hausses de prix des produits de près de 20%.

Pourtant, explique-t-il, encourager la grande distribution-c’est à la fois assurer au consommateur un plus grand éventail de produits de qualité et permettre au producteur d’utiliser enfin les procédés modernes de vente et de marketing.
Développer de véritables centrales d’achat avec tout ce que cela suppose comme logistique d’approvisionnement et de livraison serait l’idéal pour que cet informel qui pèse de tout son poids sur le marché de la grande distribution soit enfin délogé.
Les bénéfices seront visibles pour tous les éléments qui constituent ce secteur.



[highlight color=”DZE”] Vous affirmez souvent que produire, c’est bien mais c’est dans la distribution qu’il y a de la valeur ajoutée.
Comment s’organise le réseau de distribution de NCA-Rouiba pour créer cette valeur ajoutée d’autant que votre quête vers l’excellence est palpable à travers l’amélioration et la certification de vos produits ?  [/highlight]

En effet, produire et améliorer sans cesse ce que l’on produit est une bonne chose, mais il faut que la production soit complétée par un réseau de distribution bien organisé.
Dès l’année 1998, tous les producteurs ont compris que pour tout le monde , la distribution est le nerf de la guerre.
C’est à ce niveau que se situe la vraie bataille et c’est dans la distribution qu’il faut investir beaucoup d’efforts.
Aussi, nous nous sommes organisés de sorte à toucher aussi bien l’Algérois que les autres régions du territoire national.
Nous faisons 20 000 porte-à-porte par semaine chez les fast-foods, restaurants et hôtels dans le Grand-Alger.
Nous avons instauré aussi un nouveau système qui consiste à avoir des ambassadeurs régionaux qui eux-mêmes revendent aux grossistes et aux détaillants et font même du porte-à-porte.
Grâce à ce système qui combine la vente directe et celle à travers des ambassadeurs, nous arrivons à réaliser un taux de couverture national dépassant les 90%.
Nous disposons de 150 personnes travaillant exclusivement dans la distribution.
Cela dit, nous restons tout de même sur le déclaratif pour collecter des informations.
C’est dire que le marché est frappé de myopie car la part de l’informel est très importante et le manque de traçabilité est tout aussi important.



[highlight color=”DZE”] Vous êtes, de par votre statut de producteur, un élément de la grande distribution.
Comment se présente ce marché ?  [/highlight]

Le marché global de la grande distribution compte en tout un peu moins de 100 000 points de vente qui se répartissent comme suit : 10 hypermarchés, 1500 supérettes, 45000 magasins d’alimentation générale et 50 000 HORECA, c’est-à-dire hôtels, petits restaurants, et cafés.
90% de cet univers de grande distribution est encore dominé par les petits points de vente dont la superficie ne dépasse pas les 20 m2.
Autrement dit, la grande distribution est encore mal développée en Algérie et les magasins d’alimentation générale ou l’épicier du quartier dominent d’une manière frappante dans la sphère de la grande distribution.



[highlight color=”DZE”] Malgré la création de nouvelles enseignes pour la grande distribution, cette dernière se développe d’une manière timide bien que l’engouement des consommateurs pour ces nouveaux espaces modernes où l’on peut faire toutes ses courses à la fois est évident.
A votre avis, qu’est-ce qui empêche cette grande distribution à mieux se développer ?  [/highlight]

J’ai déjà précisé que le marché de la grande distribution est frappé de myopie et qu’il est encore dominé par l’informel.
L’accès à ce marché n’est pas aisé et l’on retrouve de toutes les pratiques, à commencer par les sous ou non-déclarations fiscales ou parafiscales, l’absence de factures fiables et conformes.
L’on retrouve aussi le nonrespect des normes de qualité et les mauvaises conditions de conservation des produits.
Il faut dire aussi que l’informel encourage toutes les pratiques, y compris la contrefaçon. Dans ce désordre, il n’y a aucune possibilité d’avoir une traçabilité des produits, ce qui ne manque pas de pénaliser un secteur qui pourrait, s’il est bien pris en main et assaini des pratiques douteuses que l’on y rencontre, engranger beaucoup de richesses. Or, actuellement la grande distribution ne représente que 5 ou 6% du marché global, ce qui est très peu et d’aucun poids face à l’informel ou aux petits points de vente.
Cette situation est encouragée par la taxe qui pénalise aussi bien le producteur que le grossiste et le détaillant.
Il s’agit de la TAP, taxe sur l’activité professionnelle, cumulative et appliquée à chaque facture.



[highlight color=”DZE”] Comment cette imposition encourage-t-elle l’informel ?  [/highlight]

Il faut savoir que pour le moment, aucun grossiste ne paie cette taxe, mais si un jour il y aurait une obligation pour son application, nous aurons alors une vraie cascade des prix.
Car il ne faut pas oublier les droits de timbre et l’IRG, ce qui ne manquera pas de créer une inflation inimaginable.
Ceci pénalise à la fois le consommateur, qui n’acceptera pas de payer le prix fort pour des produits qui sont généralement à sa portée, les producteurs qui se retrouveront avec, sur les bras, des produits pour lesquels ils ont beaucoup investi mais que presque personne n’achète.
C’est-à-dire que le grossiste est quelque part poussé à travailler dans un manque de transparence qui permet à la situation de ne pas dégénérer vers une hausse incroyable des prix.
Résultat : la plupart des grossistes travaillent sans factures ou alors avec des factures falsifiées, ce qui est un vrai encouragement de l’évasion fiscale.
C’est pour cette raison que les réseaux de distribution sont ce qu’ils sont et ne se développent que lentement en comparaison avec les pays voisins.



[highlight color=”DZE”] Imaginons que nous avions une grande distribution bien structurée et bien organisée, comment cela se répercutera-t-il sur la production nationale d’une manière générale ?[/highlight]

Une organisation bien structurée serait la meilleure riposte au marché de l’informel qui domine actuellement.
C’est une excellente alternative qui permettra d’abord de baisser les prix, car le passage par les grossistes n’est plus obligatoire, et permettra de tirer les prix vers le bas.
Cela donnera au consommateur un plus grand choix dans la variété et la disponibilité des produits avec comme assurance des produits de bonne qualité contrairement à ce qui se passe avec l’informel où la traçabilité du produit est absente.
Pour les producteurs la grande distribution permettra de faire valoir leurs produits grâce à des techniques modernes telles que le merchandising que nous ne pratiquons presque pas par les temps qui courent.
En effet, ce sera une bonne opportunité pour pratiquer les techniques d’optimisation des ventes et des marges de bénéfices.
Ce n’est qu’avec ça qu’on permettra à d’autres activités qui viennent dans le sillage de la production, comme le packaging, de se développer d’une manière efficace.
Actuellement nous avons des soucis avec le packaging qui nous empêche de développer un peu plus notre distribution vers les hôtels et restaurants.

Entretien réalisé par   Khadidja Mohamed Bouziane

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