Des règles et des lois sauvages du marché

[dropcap]O[/dropcap]n a souvent tendance à focaliser sur le foncier industriel quand on aborde les difficultés que rencontrent les opérateurs économiques pour lancer ou développer des activités et, souvent, on lui impute une partie de la responsabilité des faibles performances de notre économie.
La problématique est souvent posée de la même manière et selon les mêmes termes, on lorgne souvent du coté des assiettes foncières du domaine public ou privé en oubliant souvent que le problème de l’immobilier d’entreprise en général se pose avec beaucoup plus d’acuité puisque, en plus de sa rareté, il traverse une grave crise structurelle et organisationnelle.

Qui d’entre nous ne s’est pas trouvé, un jour, subitement et sans être avisé en face de rideaux baissés ou de façades changées d’une marque, d’une enseigne, d’un service après vente?
La réponse est toujours la même : ils ne sont plus là, ils ont changé, ils ont déménagé parfois à quelques mètres.
Pourquoi les enseignes et les grandes marques, franchises internationales ou marques nationales en Algérie se contentent de deux ou trois magasins et qu’il est rare les voir développer un réseau étoffé et dense de points de vente et couvrant une grande partie des villes et du territoire ?

Il y a certes des problèmes de bureaucratie, ceux liés à la franchise, aux transferts de dividendes, à la faiblesse du pouvoir d’achat des consommateurs, mais pas que ça!
Une marque, une enseigne, c’est avant tout une image, une esthétique, un style, un package, ce sont des magasins biens propres avec de belles devantures, des rayonnages, des présentoirs et des vendeuses et vendeurs au look très fashion, mais c’est aussi beaucoup de publicité et de promotions.

Tout cela, tout le monde en convient coûte de l’argent et même beaucoup d’argent auquel il faut ajouter encore beaucoup d’argent avec des frais d’aménagement, une année minimum de loyer payé d’avance et très cher quand les locaux sont sur des artères très fréquentées.

C’est déjà un investissement très lourd au démarrage, la durée de l’amortissement sera longue et n’est aucunement garanti surtout quand les proprios refusent souvent de s’engager sur des baux de longue durée.

Qui est assez fou et téméraire pour risquer autant d’efforts et d’argent pour créer un fonds de commerce, et au final se voir expulser sans indemnisation. Aucune? Les petits commerçants qui ne possèdent pas les murs, ne sont pas épargnés à leur tour et, dès que leur affaire tourne et devient rentable, les loyers empruntent l’escalier de l’inflation. Aujourd’hui, il est aussi coûteux de lancer une échoppe qu’une activité de production.

Pourtant, on a souvent tendance à oublier que la production et l’échange de biens (les services) mêmes si elles sont des activités tout à fait séparées et dissociées, elles n’en demeurent pas moins indispensables l’une à l’autre.

Le poids de toute activité, notamment celle du secteur de la distribution des biens et services est énorme dans l’économie nationale, il est le premier employeur du pays devançant largement l’industrie et l’agriculture, avec un potentiel de développement et de croissance très élevé.

On n’a pas le droit de l’abandonner aux seules règles et lois sauvages du marché, il doit être régulé, structuré et organisé et cela doit commencer par l’encadrement juridique, financier et organisationnel de l’immobilier d’entreprise.

Par   Mokhtar Boudina

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