Hamid Aftis : «Le safran doit pouvoir prospérer en Algérie»

Ingénieur d’affaires à Paris, Hamid Aftis a toujours cultivé l’idée d’investir un jour en Algérie. Ce désir, il l’entretiendra jusqu’au bout. Durant l’été 2012, une idée émerge dans sa tête : valoriser les terres familiales situées aux monts du Djurdjura en Haute-Kabylie. Située à Agouni N’teslent, relevant de la commune d’Ain El Hammam, à 50 Kms du chef-lieu de la wilaya de Tizi-Ouzou, ces terres recevront une safranière. Rien que ça! Pour un défi réussi, c’en est un. Il reçut les ministres de l’Agriculture et du Commerce sur son stand, lors du salon Djazagro, en avril 2018 et le ministre du Tourisme lors de sa participation au SIEL (Salon international des équipements et des services pour l’hôtellerie, la restauration et les collectivités) en janvier 2018. Dans cet entretien accordé exclusivement à Dzentreprise.net, Monsieur Or Rouge revient sur cette expérience inédite à la limite d’une success-story qui encouragerait à bien des égards notre matière grise basée dans l’Hexagone.

Du safran en Kabylie, comment est-ce possible et comment l’idée vous est venue pour investir dans ce créneau original sachant qu’il s’agit d’une filière assez délicate?

L’’idée m’est venue d’un simple constat. Tout le bassin méditerranéen produit du safran (Espagne, France, Italie, Grèce, Turquie, Égypte, Tunisie, Maroc..). Il n’y avait donc aucune raison de ne pas expérimenter sa culture en Algérie et particulièrement en Kabylie, région natale de mes parents. Le safran doit pouvoir prospérer en Algérie. Il suffit juste d’avoir la volonté de mener à bien ses projets, de croire en soi, en ses capacités, et d’y mettre toute son énergie. Par ailleurs, le safran étant l’épice la plus chère au monde, le retour sur investissement est excellent et la rentabilité très élevée à court et moyen termes, bien qu’il n’y ait qu’une seule récolte par an!

Quand avez-vous commencé à cultiver le safran? Avez-vous rencontré des contraintes, notamment en termes de climat et du foncier?

Ingénieur d’affaires à Paris, désireux d’entreprendre et innover en Algérie, et notamment valoriser les terres familiales, je décide, l’été 2012, de créer ma safranière après avoir acheté mes bulbes bio (Crocus sativus souche du Quercy) à Rodez, dans l’Aveyron, en France. M’étant beaucoup documenté sur la culture du safran, c’est la forte amplitude thermique entre les températures diurnes et nocturnes, durant les mois d’octobre et novembre, qui favorise l’apparition de la délicate fleur mauve. Elle est alors cueillie tous les matins et son pistil donnera le précieux safran une fois séché. Il s’avère qu’ici le climat se prête merveilleusement bien à cette culture! Dans le souci permanent de préserver et respecter l’environnement et permettre ainsi l’obtention d’un safran pur et naturel d’une grande qualité, ma safranière ne reçoit aucun produit phytosanitaire, aucun produit chimique! D’autant que mon exploitation est située au village d’Agouni N’teslent, relevant de la commune d’Ain El Hammam, dans la wilaya de Tizi-Ouzou.

Est-ce que vous avez investi avec vos propres fonds ou avez-vous bénéficié d’une aide de l’Etat?

Tout l’investissement a été réalisé sur mes fonds propres. Je n’ai reçu aucune aide de l’État. Bien évidemment, comme tout agriculteur, j’ai obtenu ma carte d’agriculteur et une immatriculation fiscale afin de pouvoir émettre des factures, le cas échéant. Afin de porter à la connaissance du plus grand nombre mon activité, et promouvoir l’usage du safran en Algérie, je participe régulièrement à des salons, notamment à la SAFEX où j’ai exposé lors du salon Djazagro 2018 (Salon professionnel de la production agroalimentaire) ainsi qu’au SIEL 2018 (Salon international des équipements et des services pour l’hôtellerie, la restauration et les collectivités). A ce titre, je remercie chaleureusement Madame Goucem ainsi que Monsieur Bey-Boumezrag de m’avoir permis d’être présent à ces manifestations. Idem, la participation à ces événements est financée avec mes propres deniers.

Quels sont vos clients potentiels? Avez-vous soumis votre safran à des analyses en laboratoire?

Les industries agroalimentaires, pharmaceutiques, textiles et cosmétiques sont toutes des clients à fort potentiel. A l’heure actuelle, mes clients sont des particuliers et des entreprises, soucieux et désireux d’incorporer, dans leur cuisine, cette noble épice afin de sublimer leurs mets. Certains l’acquièrent, aussi, sur prescription médicale, à des fins thérapeutiques car en plus d’être une savoureuse épice, le safran possède de nombreuses propriétés médicinales (antispasmodique, antidépresseur, antidouleurs, traitement de la DMLA,…). Mon safran n’a pas encore été analysé en laboratoire, mais uniquement par le palais de fins connaisseurs de cette épice, à Paris et Alger.

Avez-vous pensé à exporter à terme quand on sait que le safran est un produit extrêmement cher – on l’appelle l’or rouge – et très prisé?

Le marché algérien est vierge. Pourquoi parler d’exportation alors que l’on ne trouve pas de vrai safran dans les rayons de nos magasins? Pourquoi devrait-on priver nos concitoyens de cette fabuleuse épice? Savez-vous qu’avec un gramme de safran, on élabore entre 80 et 140 assiettes? Au prorata, cela revient entre 75 et 45 dinars de safran, par assiette. Et dire que certains restaurateurs, sur la place d’Alger, font l’économie de cette modique somme, en substituant au véritable safran, une poudre chimique servant de colorant alimentaire, le E102 (tartazine) ou E164.Cette situation est regrettable et est à déplorer quand les prix des menus affichés, dans ces établissements avoisinent les 3000 dinars.Le client, à mon sens, devrait aussi s’enquérir auprès du restaurateur de la composition de son assiette! Vous l’aurez compris, vendre du safran, n’est pas une mince affaire!Aussi pour aborder sereinement le marché international, il est, me semble-t-il, indispensable d’obtenir la certification ISO 3632.

Pensez-vous à développer des partenariats en Algérie ou à l’étranger?

Le safran peut intéresser de nombreuses industries, telles que l’industrie agroalimentaire, pharmaceutique, textile, cosmétique,…je reste ouvert à toute réflexion mettant en exergue l’utilisation du safran. La culture du safran tend à se développer sur tout le territoire national, puissent les acteurs de cette formidable entreprise bannir l’usage de tout produit chimique afin d’être dans l’excellence de la production!

Entretien réalisé par L.B

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