Comment dynamiser la bourse d’Alger et le Conseil de la concurrence ?

L’Algérie possède des institutions qu’il s ‘agit de dynamiser si l’on veut un Etat de Droit, condition pour un développement durable et surtout être crédible tant au niveau national qu’international. Cette présente contribution s’appesantit sur deux institutions stratégiques la bourse d’Alger  et le conseil de la concurrence en léthargie depuis leur création datant de plus de deux décennies. Mais n’oublions pas également la Cour des comptes, et le Conseil Economique et Social, en hibernation, consacré dans la nouvelle constitution, dont la composante n’a pas été changée depuis plusieurs décennies. Les textes juridiques sont une condition nécessaire mais non  suffisantes : l’important est d’agir sur  le fonctionnement de la société algérienne, fonction des rapports de force des différentes composantes politiques, économiques et sociales, elle-même liée au fonctionnent de l’économie mondiale afin que ces lois soient applicables(1)

Les 05 conditions pour dynamiser la bourse d’Alger

La bourse d’Alger est régie par le décret législatif n° 93-10 du 23 mai 1993 relatif à la bourse des valeurs mobilières modifié et complété par l’ordonnance n°96-10 du 10 janvier 1996 et la Loi n°03-04 du 17 février 2003. Elle est en léthargie  car les   plus grandes sociétés algériennes comme Sonatrach  et Sonelgaz et plusieurs grands groupes privés  ne sont  pas  cotées en bourse. Sa dynamisation aurait permis d’éviter le financement non conventionnel.  L’important pour une bourse fiable est le nombre d’acteurs fiables au niveau de ce marché pour l’instant limité. Imaginez-vous un très beau stade de football pouvant accueillir plus de 50.000/100.000 spectateurs sans équipe pour disputer la partie. Les autorités algériennes se sont donc contentés de construire le stade mais sans joueurs. Comment dynamiser la Bourse d’Alger? Je recense  cinq axes directeurs.

Premièrement, la levée des contraintes d’environnement dont les entraves la bureaucratiques impliquant la refonte de l’Etat dans de nouvelles missions devient urgent. Il ne peut y avoir de bourse sans la concurrence, évitant les instabilités juridiques et donc un Etat de droit. Cela n’est pas facile comme le démontre d’ailleurs les scandales financiers au niveau mondial supposant de la transparence.

Deuxièmement, une bourse doit se fonder sur un système bancaire rénové et j’insisterai sur ce facteur fondamental car le système financier algérien depuis des décennies est le lieu par excellence de la distribution de la rente des hydrocarbures et donc un enjeu énorme du pouvoir.

Troisièmement, il ne peut y avoir de bourse sans la résolution de titres de propriété qui doivent circuler librement segmentés en actions ou obligations renvoyant d‘ailleurs à l’urgence de l’intégration de la sphère informelle par la délivrance de titres de propriété.

Quatrièmement, il ne peut y avoir de bourse sans des comptabilités claires et transparentes calquées sur les normes internationales par la généralisation des audits et de la comptabilité analytique afin de déterminer clairement les centres de couts pour les actionnaires. Cela pose la problématique de l’adaptation du système socio-éducatif, n’existant pas d’engeerening financier.

Cinquièmement, transitoirement comme amorce, nous proposons une privatisation partielle de quelques champions nationaux pour amorcer le mouvement et la création de fonds de private P/P pour sélectionner quelques entreprises privées en vue de leur introduction ultérieure en bourse. On pourrait mette en bourse : 10% de Sonatrach ; 10 à 15% de BEA; 15% de Cosider et 15% de CPA. Cela permettrait de constituer un indice boursier consistant en volume et en qualité amorçant le cercle vertueux et attirer des opérateurs privés. Ces fonds agiraient comme incubateurs de sociétés éligibles à la Bourse. Dans ce cadre, une aide au développement des acteurs privés du secteur de l’investissement (Conseillers IOB, gestionnaires d’actifs) est nécessaire. Mais là n’est pas l’essentiel. Ce qui m’amène à traiter de la deuxième institution d’une importance stratégique comme en témoigne la fonction du conseil de la concurrence aux USA et au niveau de la commission économique européenne où d’ailleurs le fondement de l’organisation mondiale du commerce se fonde sur la concurrence.

Les 07 conditions pour  la dynamisation du conseil de la concurrence  

Le Conseil de la concurrence est né avec l’ordonnance numéro 95-06 du 25 janvier 1995 qui a été modifiée par l’ordonnance n° 03-03 19 juillet 2003, puis par la Loi n° 08-12 du 25 juin 2008  est en léthargie depuis sa création. La pratique saine des affaires ne s’accommode pas du monopole source de surcoûts et de mauvaise qualité des produits, d’où l’urgence de l’Etat régulateur stratégique. Ainsi, deux questions se posent : pourquoi donc l’Etat n’a-t-il pas appliqué ses propres lois et pourquoi n’a-t-il pas fait jouer son rôle de régulateur stratégique pour favoriser la concurrence ? Cela ne s’explique-t-il pas par des enjeux de pouvoir, existant des liens dialectiques entre la logique rentière et la logique du monopole qui favorise les délits d’initiés renvoyant à l’urgence d’une profonde moralisation des institutions ? Pourtant la loi est claire renvoyant à sept  principes.

Premièrement, les ententes entre entreprises qui visent à obtenir un niveau de prix supérieur à celui qui résulterait d’une situation concurrentielle (article 6 de l’Ordonnance modifiée et complétée n° 03-03 du 19 juillet 2003).

Deuxièmement, les abus de position dominante c’est-à-dire les situations où une entreprise et parfois plusieurs entreprises, sans avoir besoin de s’entendre, disposent d’une position sur le marché suffisamment puissante pour fixer leurs prix (ou leurs conditions commerciales) à un niveau supérieur à celui qui résulterait d’une situation concurrentielle (article 7 de l’Ordonnance modifiée et complétée n° 03-03 du 19 juillet 2003).

Troisièmement, les abus de dépendance économique: ce type d’abus est le fait d’entreprises en position dominante dans leurs relations avec des opérateurs économiques qui n’ont d’autre choix que de traiter avec elles (article 11 de l’Ordonnance modifiée et complétée n° 03-03 du 19 juillet 2003).

Quatrièmement, la pratique de prix abusivement bas ayant pour effet d’éliminer ses concurrents pour ensuite relever ses prix au-dessus d’un niveau raisonnable (article 12 de l’Ordonnance modifiée et complétée n° 03-03 du 19 juillet 2003).

.Cinquièmement, tout acte ou tout contrat conférant à une entreprise une exclusivité (article 10 de l’Ordonnance modifiée et complétée n° 03-03 du 19 juillet 2003).

Sixièmement, interdiction des opérations de concentration qui aboutissent à la création d’une position dominante (article 15 et suivants de l’Ordonnance modifiée et complétée n° 03-03 du 19 juillet 2003). . L’ordonnance de 2003 avalisée par celle de 2008 précise que les agents économiques doivent notifier à ce Conseil leurs opérations de concentration lorsqu’elles sont de nature à porter atteinte à la concurrence et qu’elles atteignent un seuil de plus de 40% des ventes ou achats à effectuer sur un marché. C’est dans ce cadre que la loi consacre une exception à ce principe en accordant la faculté au Gouvernement d’autoriser, lorsque l’intérêt général le justifie, les concentrations économiques rejetées par le Conseil de la concurrence à chaque fois que des conditions économiques objectives le justifient.

En résumé,  La dynamisation de la bourse d’Alger et du Conseil de  la  concurrence sera  fonction de rapports de forces, renvoyant  donc à d’autres sphères que l’économique, en un mot au Politique.En fait leur  léthargie trouve son essence dans  des enjeux importants de pouvoir concernant l’approfondissement ou pas des réformes structurelles qui se fondent sur une saine concurrence, loin de tout monopole source d’inefficience , tant dans le domaine politique, économique culturel que social.

Dr Abderrahmane Mebtoul, Professeur des universités et expert international .ademmebtoul@gmail.com

Les commentaires sont fermés.